"Les
alchimistes utilisèrent sans malice les symboles de la foi chrétienne
tout simplement parce qu'ils 'collaient' avec les arcanes de leur propre gnose"
(p.8)
"L'usage
d'une terminologie d'obédience chrétienne, justifiée par
l'environnement culturel, de plus en plus sollicité en Occident pour symboliser
la recherche alchimique, peut égarer le lecteur. Les références
à la Passion du Christ, à sa descente aux Enfers et à sa
Résurrection ne sont pas des leurres mais des 'renvois' symboliques destinés
à faire entendre le sens profond des opérations dans l'athanor et
le creuset." (p.8)
Jean-Michel
Varenne, Nicolas Flamel, De Vecchi, 2001
"
Le terme d'"alchimie" au sens strict du mot suggère un stade
préliminaire ou primitif de la chimie. Cependant, l'alchimie n'a jamais
été une proto-science bien qu'elle partage avec la science le même
objectif, la conquête du savoir, le but ultime étant de parvenir
à la connaissance de soi et à la complétude. Dès le
début, l'alchimie a eu une dimension transcendantale, un souci éthique
et une approche mystique tout à fait étrangers à la méthodologie
scientifique moderne. La Pierre Philosophale est le terme qui désigne
l'objet du travail de l'alchimiste, il souligne le fait que la quête de
l'alchimiste vise " la Connaissance d'Or " (aurea apprehensio).
L'importance fondamentale de cette notion dans les écrits alchimistes provient
du fait que l'alchimiste acquiert la connaissance à laquelle il aspire
au cours de sa quête, la recherche étant plus importante que la récompense.
La recherche est la récompense puisque la connaissance, autrement dit la
conscience de soi, est la condition préalable à la liberté
qui est le but ultime de l'alchimie " (pp.23-24)
"
La confusion faite au sujet de la véritable nature de l'alchimie avait
pour origine l'interprétation littérale de ce qui est censé
être métaphorique. Quand les premiers alchimistes parlaient de transmuter
un métal ordinaire en or, ils identifiaient le 'métal de base' plomb
ou or métallique (aurum vulgi) à, respectivement, l'ignorant ou
le néophyte, et l'or, appelé or philosophique (aurum philosophorum)
à la Compréhension d'Or (aurea apprehensio) qui est l'objectif
à atteindre par l'adepte. (p.44)
Arturo
SCHWARZ, Kabbale et Alchimie, Oxus, 2005
"
Dès les premiers temps, l'alchimie a eu une double face : d'une part, un
travail chimique pratique en laboratoire ; d'autre part, un processus psychologique,
en partie consciemment psychique, en partie inconsciemment projeté et vu
à travers les diverses transformations de la matière. "
Carl
Gustav Jung, Psychologie et Alchimie
" Certes, je suis
d'avis que la psychologie peut ôter à l'alchimie son vêtement
de mystère, mais elle ne déchiffre pas le secret du secret. C'est
pourquoi l'on doit s'attendre qu'une époque à venir considérera
également notre recherche comme métaphorique et symbolique, de même
que nous l'avons fait pour l'alchimie. On verra alors le mystère du Soi
développer un aspect qui est aujourd'hui encore inconscient pour nous,
quoiqu'il se trouve impliqué dans nos formulations, mais d'une façon
si voilée que le chercheur de demain se demandera à son tour si
nous savions ce que signifiaient les mots que nous employions. " p.222
Carl
Gustav Jung, Mysterium conjunctionis, tome 1, Albin Michel, 1980
"
En dépit de leur 'méthode hérétique' (elle l'était
incontestablement) les alchimistes ont montré dans leur attitude vis-à-vis
de l'Eglise chrétienne plus de perspicacité que certains modernes
philosophes des Lumières "
Carl
Gustav Jung, Mysterium conjunctionis, p. 314
L'alchimie
" est véritablement un mouvement spirituel secret et compensatoire
de la doctrine religieuse officielle, de la même façon que les rêves
sont en partie complémentaires et en partie compensatoires par rapport
à la conscience du rêveur."
Marie
Louise von Franz, La voie de l'individuation dans les contes de fées,
traduction de Francine Saint René Taillandier, La Fontaine de Pierre, 1978,
p. 100.
"
Je suis d'avis que l'espoir des alchimistes de tirer l'or philosophique, la panacée,
ou la pierre miraculeuse de la matière d'une part, est une illusion déterminée
par des projections, mais d'autre part, correspond à certains faits psychiques
qui sont d'une grande importance dans la psychologie de l'inconscient. "
Carl
Gustav Jung, Psychologie et alchimie, p. 607
"
L'alchimie mérite une mention spéciale. Importante parce qu'elle
a conservé et transmis les doctrines hermétiques de l'antiquité
tardive, elle l'est aussi pour le rôle qu'elle a joué dans l'histoire
de la culture occidentale. "
Mircea Eliade, Rites, sociétés secrètes, Folio
Gallimard, p.261
"
La fonction primordiale, fondamentale,
de l'alchimie : être une science cosmologique et sotériologique."
Cette fonction s'est altérée pour céder la place peu à
peu à une science empirique, de laboratoire.
Mircea
ELIADE, Cosmologie et alchimie babyloniennes, Vremea, 1937 et Gallimard,
1991 - traduction Alain Paruit, p. 21
cosmologie
: science qui étudie les lois de l'Univers, de son fonctionnement dans
son ensemble. sotériologie : science théologique traitant du
salut de l'humanité, de sa rédemption.
"
Ainsi 'Hermès Trismégiste', avec le néoplatonisme et le kabbalisme,
aurait joué un rôle d'une importance insolite dans la formation de
la destinée humaine au cours de cette période où il exerçait
une glorieuse ascendance sur l'esprit occidental. "
Frances
Yates, Giordano Bruno et la tradition hermétique, Dervy, 1988, p.191
Jacques
Lefèvre d'Etaples (v.1455 1536) fut le premier à importer
l'hermétisme en France. Il avait
rencontré Marsile Ficin (1422-1499) et Pic de la Mirandole
(1463-1494) en Italie. En 1505, il réunit pour la première fois
en un seul volume dédié à Guillaume Briçonnet le Pimandre
de Ficin et l'Asclépius, tout en formulant des mises en garde
contre la magie de l'Asclépius dans le passage traitant de la fabrication
d'idoles. Symphorien
Champier (14711538), grand admirateur lui aussi de Ficin, fut un des
principaux introducteurs du néoplatonisme en France. Son De Quadruplici
Cita (de 1507) est calqué sur le Libri de vita de Ficin, à
l'exclusion des talismans du De vita coelitus comparanda contre lesquels
il met en garde. Le tout premier, il avança que le passage magique de l'Asclépius
n'était pas l'uvre d'Hermès, mais une interpolation d'Apulée
de Madaure dans sa traduction latine. Tout
en suivant Ficin et Pico de la Mirandole, la tradition hermétique française
prit grand soin d'éviter la magie. Il
fallut attendre Isaac Casaubon, l'un des plus brillants hellénistes
de son temps, pour qu'en 1614 soient réattribués les écrits
hermétiques non plus à Hermès Trismégiste, prêtre
égyptien de la haute Antiquité, mais à des auteurs de l'époque
post-chrétienne. Ainsi s'écroulait le néoplatonisme de la
Renaissance aux fondations hermético-kabbalistiques et également
l'hermétisme chrétien et non magique du 16ème siècle.
Mais
demeurons dans les années de création de La Chasse et n'oublions
surtout pas que Jean Perréal, autrement nommé Jehan de
Paris, est l'auteur d'un long poème, La
Complainte de Nature à l'Alchimiste errant, de 1 822 octosyllabes
écrit en 1516 et dédié à François 1er.
|
Il avint ung jour que Nature En disputant
a ung souffleur, Hardiment luy dist : " Creature, A
quoy laisse-tu fruict pour fleur ? N'as-tu honte de ta folleur ? Pour
Dieu, laisse ta faulceté Et regarde bien ton erreur. Raison
le veult et Verité : Renge-toy a subtilité. Entens
bien mon livre et t'y fie : Autrement, c'est ta pauvreté.
Laisse tout, prens philozophie. D'aultre
part, je te certiffie - Et me croiz qui suis esperit - Personne
n'est qui verifie Autre que moy l'avoir escript. Rien n'est
ne fut qui onc le veit : Je l'ay fait pour toy qui le prens, Si
tu l'entens bien, tu apprens.
| Unique
miniature illustrant La Complainte de Nature à l'Alchimiste errant -
Musée Marmottan, Paris - 18,1 x 13,4 cm Les
prénom et nom de l'auteur apparaissent en acrostiche dans ce poème
introductif | Pour
atteindre la page "Jean Perréal poète ! Jean Perréal,
alchimiste ? " : cliquer
ici


|
Le
sceau de Salomon détermine 13 "points de Lumière"
: 1- la Lumière primordiale :
FIAT LUX, le Saint Esprit 2- le Bois
(de construction) 3- la main de Saint
Jacques touchant la coquille = le soleil (*) 4-
la Loi représentée par le doigt levé et l'objet pour écrire
(ou le cur d'Hermès Trismégiste) 5-
l'Equerre 6- la main de Saint Jean de
qui vient la Lumière par son Apocalypse 7-
le Centre : Le Père : Dieu créateur (la Pierre philosophale) 8-
les "langues de feu" de la Pentecôte (les feuilles d'or) ? ou
la corde à 13 nuds utilisées par les architectes et les constructeurs 9-
le Compas 10- les 12 Roses 11-
l'il du cerf : la Lumière traverse le Roi et l'illumine 12-
Les Fruits d'Or (des oranges) 13- la
licorne et la croix blanche : le Fils : le Christ (les
13 étoiles sur les billets des Etats-Unis sont disposées selon cet
agencement) (*) Autrefois, la coquille que le pèlerin
rapportait de Saint-Jacques de Compostelle ou du Mont Saint-Michel se nommait
" la mérelle " ou " marelle ". La "
mérelle ", c'est dans la Langue des Oiseaux " la mère
de El " = " la mère de la Lumière " (El
= Elohim = Dieu). Elle a donné sa forme au bénitier qui devient
pour les alchimistes le réceptacle du Mercure. http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/ASavoret/Initiation/lebourdo.html
| "L'alchimie
: une permutation des formes par la lumière."
Fulcanelli "L'hermétisme
propose une purification initiatique, un processus par lequel la vie retrouve
sa perfection originelle, une conquête de l'Or, c'est-à-dire de la
lumière qui est immortalité." Jean Biès Allégorie
du Grand uvre comme 'mont des Philosophes' gravure illustrant la Cabala,
speculum artis et naturae in Alchymiae de S. Michelspacher, 1616 
Dans
cette image : La Montagne des Adeptes ou Temple des Sage
: en bas, à droite : l'homme aveuglé et à gauche, le chercheur
qui suit l'instinct naturel (représenté par les deux lapins) | 
Ces
deux petits lapins blancs sont sous la protection du cerf royal . Ces
deux lapins, l'un entrant dans leur terrier et l'autre en sortant, sont à
considérer comme l'alchimiste pénétrant dans la caverne à
la recherche du minerai, la prima materia pour la fabrication de la pierre
philosophale.
Le sigle
" V.I.T.R.I.O.L. ", acronyme d'une phrase latine, condense la
doctrine des alchimites : " Visita interiorem terrae rectificando invenies
operae lapidem ", soit, dans la traduction de Jean Servier, "
Descends dans les entrailles de la terre ; en distillant, tu trouveras la pierre
de l'uvre. " Ou " Visita Interiora Terrae Rectificando
Invenies Occultum Lapidem ", soit " Visite l'intérieur
de la terre ; en rectifiant, tu trouveras la Pierre cachée. " |

Les
lions qui crachent l'eau sont sans doute à considérer comme le "Lion
Rouge" qui distribue l'or potable, c'est-à-dire l'élixir d'immortalité.
L'alchimie
se veut la reproduction de la "semaine" créative de la Genèse.
Cette
tapisserie évoque la première page du Corpus Hermeticum :
l'action du Dieu créateur organisant le Chaos en Cosmos par le Logos
: la licorne par l'action de sa corne dans l'eau (le Chaos) indique le Logos
créant le Cosmos (la margelle et l'eau de la fontaine, les cercles concentriques
provoqués par la chute de l'eau représentent les courses des planètes.
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/hermestrismegiste/livre1.htm#III

Se lit sur la margelle du puits : « le mercure, qu’il soit minéral, végétal ou animal, est un. ». Les fluides qui tombent dans le bassin se nomment : « lait virginal », « âcre vinaigre » et « eau vive ». Ensemble, ils donnent une eau claire qui purifie toute chose.
La fontaine mercurielle :
« Mercure est le dieu des Alchimistes (l'Hermès grec, le Thot égyptien). L'eau purificatrice est celle de la vie quotidienne, de ses épreuves. Le dragon à deux têtes : ce sont les contradictions qui nous meuvent, ces forces souterraines qui sont en nous. Dans ces opposés réside une énergie, source de réconciliation. L'étoile à six branches représente l'union de l'esprit et de l'âme. Née dans les airs, l'étoile retombe sur le sol, car la réalisation ne se fait que sur la terre. Le soleil et la lune sont les archétypes parentaux.
Les quatre étoiles sont les quatre éléments correspondant aux quatre fonctions qui devront être fixés (stables). La cinquième est la quintessence : le centre. La fontaine est au milieu du bassin, notre être intérieur. Les pattes qui la soutiennent portent la vie. Les trois tuyaux ont chacun un nom de conciliation ("lait de vierge", etc.) Tant que les quatre éléments sont séparés, l'être se met à l'abri d'une névrose. Peu à peu, en étudiant les rêves, les émotions, l'ordre vient. Chaque fois, en effet, qu'un chercheur part vers l'inconnu, l'esprit-guide inconscient le conduit vers des archétypes immuables. L'inconnu est rempli de projections. La légende traite de l'eau qui est le temps, l'inconscient immobile. La fontaine, c'est l'activation de cet inconscient. L'intégration de ces contenus inconscients, c'est la "médecine universelle. » Rolande Biès
https://www.cgjung.net/alchimie/1992/septembre.htm
http://aqua-permanens.blogspot.fr/2010/11/la-source.html

fons et origo : source et origine
Illustration extraite de la Turba philosophorum
BnF, Département des manuscrits, Latin 7171, fol. 4r.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105380640/f49.item.r=Turba%20Philosophorum
La Turba philosophorum ou Tourbe des Philosophes (= Assemblée des philosophes) est un des premiers textes de l'alchimie de l'occident médiéval. Il en existe deux versions. Une latine du XIIIe siècle, la Turba Philosphorum proprement dite, traduction d'un traité arabe du Xe siècle. Et une en français, dite Turba Gallica, du XVe siècle, traduction probable d'un original en castillan du XIIIe siècle.
http://users.skynet.be/turba/pdf/Turba.pdf
La
fontaine, de par sa forme, représente aussi l'uf Primordial.
http://www.esoblogs.net/Mutus-Liber-PLANCHE-2.html
Elle
évoque le Nombre, l'Idée de Nombre qui pré-existe à
l'existence des choses. Les Nombres sont à la fois métaphysiques
et physiques. C'est ainsi qu'il y a : 1,2,3,4...
Elle
évoque le mariage alchimique entre la licorne et le cerf, le Soufre et
le Mercure.
 le
cerf et la licorne, symboles de l'esprit et de l'âme de la matière
première, dans la forêt hermétique, De Lapide Philosophorum,
Lambsprinck
Le
couple mâle-femelle pouvait aussi être représenté
par des animaux de sexe différent : un cerf et une licorne comme ci-dessus
(le cerf représente l'âme, la licorne l'esprit et la forêt
le corps), un lion et une lionne,
 
De
lapide philosophica de Lambsprinck (1625)
deux
aigles, deux chiens (chien de Corascène pour le Soufre et chienne de d'Arménie
pour le Mercure) comme ceux qui accompagnent en deçà de la rivière
le Pèlerin.

|
Notre Pèlerin paraît
suivre les trois phases des rituels d'initiation :
il "chemine", face à nous, séparé de ses semblables
par la rivière. Cet isolement semble un exil volontaire. Nulle douleur
apparente, mais un "voyage" dans le dépouillement, les yeux grands
ouverts. Coupé de ses racines, il abandonne lentement ses anciens modes
de pensée et de vivre dans l'espérance d'une vie nouvelle
il n'est pas soumis lui-même à des épreuves physiques effrayantes
ou douloureuses mais il côtoie La Passion de la Licorne. Il découvre
la nature de la mort, conçu non comme un jugement dernier mais une étape
vers la libération et la réparation, comme protégé
par une Femme que représenteraient les deux chiens aux armes d'Anne de
Bretagne (selon notre hypothèse). Il marche vers un "autre monde",
à l'opposé de la barbarie du monde dit "normal".
enfin, au terme d'une longue "marche", il est réintégré
dans le groupe qui l'attend, dans un nouvel état de conscience.
"
Les noces des métaux, dont les alchimistes médiévaux et rosicruciens
parlaient dans un sens mystique, représentent une idée plongeant
ses racines dans les premières intuitions humaines. [
] Concernant
la " sexualité " des corps inanimés, Mircea Eliade
écrit qu' " il s'agit ici de la conception courageuse d'un Univers
vivant formant un tout harmonieux. Les notions de " naissance " et de
" renaissance " étant unies par des liens étroits, le
symbolisme religieux de tous les temps devait nécessairement utiliser des
expressions physiologiques et érotiques. Il ne s'agit d'ailleurs même
pas de l'idée religieuse de la " renaissance ", mais seulement
d'une conception cosmologique de la Vie divisée en deux sexes, conception
rendant possible une vision totale de l'Univers, lequel englobait, nous l'avons
vu, non seulement les êtres animés, mais aussi les objets "
morts " et même ceux faits par la main de l'homme. N'oublions
pas que, dans une Weltanschauung fondée sur une parfaite homologie
Ciel-Terre et sur la Magie, toutes les choses participent aux archétypes,
toutes ont certaines vertus magiques, par elles-mêmes ou par participation.
Il suffit qu'un objet inanimé ait une certaine forme ou une certaine couleur
pour qu'il soit investi de toutes sortes de potentialités et de vertus
magiques.
L'idée
selon laquelle tout au monde est gouverné par la même loi de la vie
- l'amour, la sexualité - n'a pas disparu en même temps que les civilisations
mésopotamiennes. Il s'agit là de structures mentales changeant très
lentement, en particulier dans le monde eurasiatique et méditerranéen.
(pp. 80-82)
Voir
les illustrations du Rosarium philosophorum : http://www.alchemywebsite.com/prints_series_petrus.html
-
- - - - - - - - - - - - - - - - - "
Puisqu'ils peuvent " aimer " et célébrer leurs "
noces ", les métaux sont, de toute évidence, doués d'une
certaine sensibilité. En effet, les textes alchimiques hellénistiques
et arabes parlent de la " torture " des métaux. Le mot désignant
les " opérations chimiques " est celui-ci même : torture.
Les métaux sont soumis à la grande loi mystique - élaborée
par le monde alexandrin et chrétien - selon laquelle la vie éternelle
ne peut pas être obtenue sans souffrance et sans mort.
On
retrouve cette idée " mystique" de la souffrance des métaux
dans un texte alchimique très connu, Turba Philosophorum : Eo quod cruciata
rex, cum in co submergitur, vertit ipsum in naturam inalterabilem ac indelibilem.
Julius Ruska précise que le mot " torture " était purement
allégorique chez les alchimistes grecs. Il ne commença à
désigner une " opération chimique " que dans l'alchimie
arabe, d'ailleurs dans un sens assez mystérieux.
Le
Testament de Dja'far al-Sâdiq précise que les corps morts
doivent être torturés par le Feu et par tous les Arts de la Souffrance
afin de les faire accéder à la résurrection, car sans souffrance
et sans mort il ne saurait être question de vie éternelle.
Nous
nous trouvons là, en plein Moyen Age, devant des idées qui remontent
aux plus anciennes intuitions mésopotamiennes.
D'autre
part, il est aisé d'y déchiffrer une autre forme de " la mystique
de la création ", dont nous nous sommes occupé au début
de ce chapitre. L'alchimiste arabe dit que, sans souffrance et sans mort, on ne
saurait espérer une vie éternelle, et les traditions archaïques
de la Création affirment que l'homme et tout ce qui est vivant ont été
engendrés par le sang du dieu, par sa mort, par ses souffrances. De
même, les constructions érigées par l'homme ne pourraient
pas durer (ne pourraient pas avoir, dans le sens de la matière, une "
vie éternelle ") si quelqu'un, homme ou animal, n'était pas
sacrifié dans leurs fondations. Il y a certes, dans les textes arabes cités
ci-dessus, une " mystique alchimique" créée et nourrie
par de nombreuses sources spirituelles (la gnose chrétienne, le soufisme
persan, etc.) et dont les significations dépassent les rudimentaires documents
mésopotamiens. Il s'agit ici de la souffrance rédemptrice, de la
mort qui doit être expérimentée volontairement pour accéder
à la vie éternelle ; ces significations furent découvertes
et approfondies lors de l'apparition du christianisme. Mais il y avait eu précédemment
une longue préparation orientale. " Mircea
ELIADE, Cosmologie et alchimie babyloniennes, pp. 85-86 |

Arnaud
de Villeneuve, le premier, au 13ème siècle, rapprocha l'alchimie
du christianisme en comparant le travail du Mercure à la Passion du Christ,
et l'élixir-panacée au Christ lui-même. "
Les alchimistes occidentaux ont intégré leur symbolisme à
la théologie chrétienne : la 'mort' de la matière était
sanctifiée par la mort du Christ qui en assurait aussi la rédemption.
C. G. Jung a brillamment dégagé le parallélisme Christ- Pierre
Philosophale et l'audacieuse théologie qu'il implique. Il est essentiel
de bien saisir le plan sur lequel se déroule l'uvre alchimique. Sans
le moindre doute, les alchimistes alexandrins furent conscients dès le
début qu'en poursuivant la 'perfection des métaux', ils poursuivaient
leur propre perfection. " (p.134) Mircea
Eliade, Forgerons et Alchimistes, Flammarion, 1977 |
Des traités alchimiques expliquent que
la Passion du Christ et la quête alchimique sont identiques : elle passe
par la souffrance. Cette "pérégrination", avant d'arriver
à voir la Lumière, ne se déroule pas sans terreurs et frissons,
comme le révèlent aussi les textes et les rites d'initiation : il
faut "passer le seuil de la mort". Pour
la tradition alchimique, la Pierre Philosophale (Lapis philosophorum )
incarne le but ultime de la quête matérielle, mais surtout spirituelle,
et s'apparente au Christ. Au Moyen Âge,
de nombreux textes alchimiques établissent un parallèle entre le
Lapis philosophorum et le Christ, par l'analogie de la mise au creuset
dans l'athanor et de la crucifixion. Comme
tous les composants de l'uvre, la 'pierre' peut se nommer : Matrice,
uf, Chaos, Minière, Semence, Terre, Vent d'Orient, Grand Elixir de
quintessence
Selon Zozime de
Panopolis : " Cette pierre est une chose qui se trouve en toi plus fixe (que
nulle part ailleurs), créée par Dieu, et tu en es la minière
-la prima matera- ; elle est extraite de toi, et, où que tu sois, elle
reste inséparablement avec toi
Elle est fixée en toi dans
le mercure des sages
Elle ne peut pas être parfaite sans toi, et
tu ne peux pas vivre sans elle. "
| 
Quelle
est la signification de ces feuilles de néflier rassemblées
au pommeau de l'épée de ce chasseur. 1-
Alchiminier : vieux nom français du néflier (Nouveau dictionnaire
de médecine, chirurgie, pharmacie, physique, chimie, histoire naturelle,
etc où l'on trouve l'étymologie de tous les termes usités
dans ces sciences, et l'histoire concise de chacune des matières qui y
ont rapport par A. Béclard, Chomel... H. Chaquet... J.Cloquet... M.Orfila...
Paris, Méquignon-Marvis, Crochard, Gabon, 1821-1822. 2 vols., 21 cm. VI-829
p. + 663 pp). Cet
arbuste et l'alchimie sont-ils liés pour l'artiste ? | 2-
" Le bois du nefflier est dur, ferme, compacte & massif; il est propre
aux ouvrages de fatigue & de durée, surtout pour les menus bois qui
entrent dans la construction des moulins. Les Menuisiers s'en servent pour la
monture de leurs outils. " Au Pays Basque, son bois, au grain très
fin et qui ne fend pas ou peu, est utilisé pour fabriquer la Makhilak,
canne sculptée initiatique, bâtons honorifiques des bergers basques. http://www.couteaux-basques.com/index.php/2009/01/13/le-couteau-basque-mizpira-commence-par-le-travail-du-neflier/
3-
La nèfle, préconisée pour régulariser les fonctions
intestinales, se consomme blette. Dans le langage populaire, elle est encore nommée
"cul de chien". Des expressions prouvent sa "mauvaise réputation"
: "après le navet, la nèfle", "être pourri
comme une nèfle", "travailler pour des nèfles".
4-
En héraldique : - un néflier fruité d'argent symboliserait
une politique habile. - un néflier fruité de gueules symboliserait
la patience volontaire. - un néflier fruité d'or symboliserait
le conseil prudent. |

|
la harpe : le cerveau de Dieu créateur et l'instrument
d'Orphée, de David, de tous les musiciens créateurs. 
Michel-Ange,
La Création d'Adam, fresque de la Chapelle Sixtine |
Ne
voit-on pas des branches de laurier et de chêne 'couronnant'
par le bas le 'perro réal' ? (Laurier, symbole du triomphe héroïque
et de force éclatante signifiant que "l'or y est") Le
laurier peut-être considéré comme l'arbor philosophica
des alchimistes qui ne peut, disait-on, être endommagé ni par
la foudre ni par le gel. Ainsi, pouvait-il symboliser la Vierge (modèle
de toutes les femmes) et le Christ (modèle de tous les hommes). C.G. Jung
y verrait le symbole du Soi. 
|
| Le
laurier est une plante à vocation multiple : alimentaire comme condiment,
médicale et sacrée. Toujours vert, il symbolise l'immortalité. Dans
la mythologie grecque, trois fils d'Apollon adoptèrent le laurier : -
Asclépios (dieu de la médecine) et ses filles Hygie et Panacée -
Aristée (dieu de l'agriculture, de la chasse, de l'apiculture, des troupeaux
et des arbres fruitiers) - Amphiaraüs (devin)Pour
les Grecs et les Romains, il est l'emblème de la victoire et de la gloire
des empereurs, des généraux vainqueurs, des athlètes et des
poètes. La victoire d'Apollon sur Python qu'il tue est à l'origine
des Jeux Pythiques à Delphes où les vainqueurs recevaient
les couronnes de chêne, puis de laurier. La légende de Daphné
transformée en laurier-rose (rhododaphné en grec) est narrée
par Ovide dans ses Métamorphoses. http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/lettres/languesanciennes/metamorphoses/daphne.htm Dans
le Christianisme, il était béni à la fête des Rameaux
qui célébrait l'entrée de Jésus à Jérusalem.
Son dessin fut repris par Charlemagne sur ses monnaies car il le pensait protecteur
contre les démons, puis par les rois de France du 16è au 18è
siècles. Napoléon 1er voulut être coiffé de laurier
pour son sacre.
| La
pierre réale = la Pierre Philosophale "...de
tout temps et en tout lieux l'alchimie a mis en rapport la représentation
de sa pierre, lapis, ou de des minera, avec l'idée de l'homo
altus ou maximus, c'est-à-dire l'Anthropos." C.G.
Jung, L'Ame et le Soi, p.85. |
L'alchimiste
a suivi les fondamentaux de l'initiation : la lente maturation spirituelle, la
découverte progressive de soi, l'accès enfin à une conscience
morale. Il doit faire preuve
de sincérité, d'obstination, de désintéressement,
de lenteur réfléchie et de piété. L'alchimiste,
qui doit être solitaire, est parvenu au terme de sa quête, de sa recherche
: la Pierre Philosophale. La
légende prétend que sous la corne de la licorne se trouve une pierre
précieuse, l'escarboucle. Le mystère de la corne, essence
de la licorne, a été assimilé par les alchimistes, aux propriétés
générales de leur Pierre qu'ils nomment "escarboucle".
Peut-on la voir au pommeau
de l'épée du pèlerin et à celui du dauphin, cadeau
de l'artiste ? La "pierre royale" peut se lire Perréal,
alchimiste à ses heures. La Licorne morte a la corne coupée et sa
pierre recueillie se veut la signature "alchimique" du peintre Perréal.
(Cf. page Perréal dans le site La dame à la licorne,
version longue)   
|
" L'alchimiste
occidental, dans son laboratoire, tout comme son collègue indien ou chinois,
opérait sur lui-même, sur sa vie psychophysiologique aussi bien que
sur son expérience morale et spirituelle. " Mircea Eliade, Forgerons
et Alchimistes, Flammarion, 1977 (p.136) 
Une
couronne de chêne entoure le col de la licorne : pour célébrer
une victoire (sur la matière et soi-même) ? | Paracelse (1493-1541), contemporain de Jean Perréal, portait au côté une épée dont il ne se séparait jamais. Il la nommait son Azoth et son pommeau aurait contenu l’Émeraude des Sages ou Pierre d’Hermès ou encore Émeraude alchimique, tombée du ciel du front de Lucifer.
Le poète allemand Lamprecht der Pfaffe (le prêtre) écrit dans son Alexanderlied (La chanson d'Alexandre) composé entre 1160 et 1170 qu’Alexandre le Grand reçoit en cadeau de la reine Candace une licorne porteuse d’une escarboucle. Depuis l’Antiquité, on croyait que certains animaux portaient certaines pierres précieuses : le sauritis que Pline place dans le lézard vert, le celidôn ou pierre d’hirondelle, le dracontites dans la tête du dragon. Dans son ouvrage de science naturelle intitulé Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum (Le livre des subtilités des créatures divines,connu sous le nom de Physica ou Liber simplicis medicinae), l’abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179) mentionne sous la corne de la licorne un minerai transparent comme le verre. Le poète allemand Wolfram von Eschenbach (1170-1220), dans son Parzival (Perceval) écrit qu’une escarboucle prise à la racine de la corne d’une unicorne est introduite dans la blessure située dans les parties viriles d’Amfortas, le roi du Graal.
L'escarboucle (du latin carbunculus = petit charbon, sous-entendu charbon
ardent, rougeoyant) est l'ancien nom du rubis.
Selon les légendes médiévales, l'escarboucle serait la pierre
portée au milieu du front par les dragons et les vouivres.
En héraldique, les rais d'escarboucle représentent le rayonnement
de cette pierre incandescente qui aurait peut-être, dans un temps très
lointain, occupée le centre des boucliers, umbo, l'ombilic. (par
exemple : les armes du roi de Navarre, De gueules, aux rais d'escarboucle d'or)
-
Symbolisme chrétien du chiffre 8 : 8 est en tout premier lieu la totalité
de l'homme ( sept + Un ). Le Christ manifeste cette symbolique quand Dieu le Fils
( " 2 " ) assume son humanité en Jésus ( " 2 x 4
" ). http://catholiquedu.free.fr/code_secret/alefbetlettre8rhet.htm
|
Pour expliquer
notre hypothèse relative au couple "roi - reine" et aux deux
escarboucles, cette citation (pp.38-39) d'Arturo SCHWARZ, Kabbale et
Alchimie, Oxus, 2005 : "
Dans le système alchimique, l'individuation trouve son expression dans
le rebis (res-bis, la chose double, à la fois mâle
et femelle) qui correspond à l'Adam Kadmon de la kabbale, et à
l'Anthropos gnostique, l'Homo Maior des temps mythiques. Il convient
de souligner que le rebis n'est pas une anomalie biologique hermaphrodite, une
synthèse statique des éléments mâle et femelle, mais
la chose double (comme l'indique son nom) dans laquelle ces éléments
se complètent et s'élèvent mutuellement plutôt qu'ils
se neutralisent, ne se situent dans une position antagoniste : 'Je est un autre'
nous rappelle Rimbaud. Dans le Rebis, qui n'est par conséquent qu'un
autre nom pour désigner la Pierre philosophale, l'anima (ainsi que
Jung nomme le principe femelle chez l'homme) et l'animus (terme de Jung
pour désigner le principe mâle chez la femme) sont deux aspects du
même être dont l'existence dépend de cet antagonisme complémentaire,
ou pour reprendre les termes de Engels, de 'l'inclusion de la diversité
dans l'identité' (Dialectique de la nature). Le rebis est le
fruit des 'Noces chymiques' entre le mercure (le principe lunaire, femelle)
et le soufre (le principe solaire, mâle). Dans les figures de rhétorique
de l'alchimie, ces deux éléments sont représentés
par Gabricus et Beya, le couple frère-sur qui, pour Jung, est une
allégorie des contraires dans sa globalité ". Pour Jung, les
'Noces chymiques' constituent une métaphore décrivant la
réconciliation de l'anima (Beya) avec l'animus (Gabricus).
Leur union symbolise "le retour à l'unité primordiale, c'est
pourquoi l'artifex [l'alchimiste] qui cherche à réaliser cette union
est souvent aidé par sa soror mystica [sur mystique, son égale].
" (dernière citation de Marie Delcourt, Hermaphrodite. Mythes et
rites de la bisexualité dans l'Antiquité classique, PUF, 1958)
Pour
Zozime de Panapolis (alchimiste égyptien du 3ème siècle),
la licorne était le symbole du premier mercure : " un animal
s'appelle l'unicorne, qui reconnaît la pureté des vierges [
]
Nous avons pris la pierre d'escarboucle sur le front de l'animal, car on la trouve
sous la corne. " Le schéma est constant : une femme ou tout symbole
féminin porte le Graal, la coupe, la lampe à huile, la pierre. Dans
l'uvre de Zozime l'escarboucle donne à l'humain " une telle
vigueur que ses os et sa chair retrouvent aussitôt leur jeunesse ".
Cette pierre porte aussi le nom de Graal écrit le poète épique
allemand Wolfram von Eschenbach (v.1170-v.1220, auteur de Parzival)
pour qui la jeune fille est une licorne.
L'origine
du motif de l'escarboucle au front de la licorne pourrait être d'origine
arabe : Le Livre des 70 et le livre du Poisson de Geber (Jabir Ibn Hayyan,
v. 721-815) relate le voyage fantastique à la recherche d'un mystérieux
" médecin de la mer " qui porte sur le front une pierre possédant
les propriétés de l'élixir et qui s'avère être
une jeune fille. Elle porte donc sur le front une pierre qui a les vertus curatives
de l'élixir (c'est un " médecin "). Défilons
davantage l'écheveau des ressemblances. Wolfram remplace la jeune fille
par la licorne qui, pour Zosime est le premier mercure appelé aussi "mercure
de fleuve ". Pour l'alchimie grecque, l'escarboucle est une pierre marine
car elle la fabrique à partir de biles d'animaux marins, poissons et cétacés,
et l'appelle " pourpre marine ". Cette " Dame de la mer "
qui porte la pierre d'escarboucle " pourpre " est structurellement semblable
à la Vénus porteuse de la coupe d'or.
Le
thème de la pierre portée au front par la femme est un thème
courant au XIIè siècle. Alain de Lille dans de Planctu
Naturae décrit la Nature comme une femme d'une grande beauté
qui descend du ciel, somptueusement parée et vêtue. Elle porte un
diadème de pierres précieuses qui symbolisent les planètes
et le zodiaque. Sur le devant du diadème (donc sur le front de Dame Nature)
brillent trois pierres. La première est intéressante : "
Lapis primus, noctis frigus in luminis incendio pati jubeat exsilium, in quo,
ut faceta picturae loquebantur mendacia, leonis effigiata fulminabat effigies.
" - " La première pierre, telle que l'éclat de sa lumière
enverrait en exil le froid de la nuit, et sur laquelle, en un plaisant trompe-l'il
dans le jeu des facettes, brillait l'image du lion. " http://www.thelatinlibrary.com/alanus/alanus1.html Cette
pierre est le Soleil car y brille l'image du Lion, signe zodiacal où le
soleil a son "domicile". A l'opposé (à 180°) du signe
du Lion, le zodiaque place le signe d'hiver du Verseau, où le Soleil est
dit, en termes astrologiques, en exil. Le texte d'Alain de Lille signifie
que la première pierre du diadème de Dame Nature est comparable
au Soleil en exil, capable du réchauffer la nuit froide de l'hiver du Verseau.
Jean
Perréal reprend ces thèmes dans la miniature de Complainte
de Dame Nature à l'alchimiste errant, dans La Dame (la tapisserie
Pavie) et dans La Chasse (la licorne morte à la corne cassée
à sa base). 
Notre
pèlerin (ou aspirant-apprenti) devra triompher de l'épreuve de la
Terre et de la mort (en mourant à la Terre et renaissant à la Lumière),
puis être successivement purifié par l'Air, l'Eau et le Feu.
- le Corps ("où une structure d'organes permet l'action au
sein du monde") lié à la Terre (tapisserie 2 ?)
- le Cur ("où fleurissent doucement la passion et la
sensibilité") lié au Feu (tapisserie 4 ?) - l'Intellect
("où s'épurent la pensée et la rationalité,
les concepts et les idées") lié à l'Eau (tapisserie
3 ?) - l'Âme ("où s'ancrent le sens et sa quête,
le relatif et l'absolu, l'instantané et l'intemporel") liée
à l'Air (tapisserie 5 ?) (citations de Marc Halévy). Cinq
étapes dans ce cheminement : le dépouillement (tapisserie
5 ?), la purification (tapisserie 3 ?) par les éléments de
Dame Nature, l'étude (tapisserie 2 ?) (des métiers et de
leurs outils, en autres), la mort (tapisserie 6 ?) et la résurrection
(tapisserie 7 ?). La Chasse raconte cette "marche".

Comptons
les anneaux visibles au collier du Roi : 18 soit 2 fois 9. La
symbolique de 9 est universelle et primordiale. 9 ou l'ennéade est le chiffre
mystique par excellence qui " accouche de lui-même " (9 a la forme
du ftus, du germe végétal), symbole du renouveau : neuf mois
de conception sont nécessaires pour la naissance d'un enfant ; après
9, symbole de l'ensemble d'un cycle, une nouvelle série commence, celle
des nombres décimaux avec 10, symbole de l'éternel retour. |
Dans la Bible, 9 représentant
la plénitude spirituelle. La première épître aux
Corinthiens compte 9 dons de l'Esprit et les Galates, 9 fruits
de ce même Esprit : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté,
la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance.
Chiffre le plus parfait car carré du premier impair (le chiffre 3, symbole
du temps et de l'espace, nécessaire à la création) ; 9 :
impair lui aussi donc " mâle " pour les Pythagoriciens. 9,
c'est 3 fois la Trinité, engendré par
le triangle. 9 est symbole de l'indestructibilité : multiplié par
n'importe quel autre nombre, il se reproduit toujours lui-même en additionnant
les chiffres du résultat : 2 x 9 = 18 et 8 + 1 = 9 ; 3 x 9 = 27 et 2 +
7 = 9 ; etc... Dans la numérologie
hébraïque, le mot pour signifier "vie" a pour somme 18. |

l'hiérogamie
: union divine du dieu et de la déesse (ici
union cérémonielle, rituelle, du roi et de la reine)
le monde se régénère chaque fois que l'hiérogamie
est imitée par une union matrimoniale : fécondité, opulence
et bonheur sont assurés.
le renouvellement du roi (souligné par le doigt pointé d'un
chasseur) :
par la mort du souverain précédent
(celle de la licorne)
par la naissance du fils 'régénérateur'
: l'opération finale, la fixation, où apparaît la couleur
rouge, est figurée par un enfant nouveau-né ou par un "jeune
roi couronné" ou revêtu de l'habit royal enfermé dans
l'uf philosophique. Il est le symbole de la pierre philosophale, de l'élixir.
Le corps, l'âme et l'esprit ne font plus qu'un et l'alchimiste-pèlerin
est devenu un homme spirituellement réalisé. (Cette
désignation d'un doigt accusateur du couple 'royal' pourrait aussi concerner
Eve et Adam, chassés du Paradis, et responsables de la mort du Christ pour
le rachat de leur "faute" et de leur "chute" !) Hélène
et Pâris sont, dans l'alchimie, le couple royal. Les flammes
qui couronnent la ville de Troie sont à considérer comme la fournaise
qui chauffe l'athanor. Le couple princier qui accueille et la licorne morte et
le pèlerin est aussi le couple alchimique. |
| 
par l'uf 'marron' dessiné par l'encolure du cheval et le bras gauche
de la reine (L'uf des philosophes
ou vaisseau était un ballon assez résistant couramment
en verre, mais aussi en terre ou en métal, cuivre ou fer, où l'on
plaçait la matière.) "L'uf
est un germe de vie, investi
d'une haute signification symbolique : c'est un symbole non seulement cosmogonique,
mais aussi " philosophique " ; d'une part, l'uf
orphique, le commencement du
monde, et d'autre part l'ovum philosophicum de la philosophie médiévale
de la nature, c'est-à-dire le vase duquel, au terme de l'opus alchymicum,
sort l'homunculus, autrement dit l'Anthropos, l'homme spirituel,
intérieur et complet, le chên-yen (littéralement :
l'homme complet) de l'alchimie chinoise. " C.G. Jung, L'Ame et le Soi,
Albin Michel, 1990, p.67. "
Le Fils de l'Homme " : il s'agit d'une figure mythologique assez familière
dans le monde hellénistique, celle d'Anthropos ou de l'Homme primordial.
Le mythe est d'origine indo-iranienne (cf. Purusha, Gayomart), mais les précédents
immédiats du " Fils de l'Homme " (= l'Homme) sont à chercher
dans le syncrétisme religieux irano-" chaldéen ". Mircea
ELIADE, Histoire des croyances et des idées religieuses, tome 2, p.249
|

Le
cercle extérieur circonscrit les 'personnages' importants de cette ultime
séquence de la "chasse - quête" : la Licorne morte, le
Pèlerin et ses deux chiens, la Reine et le Roi, le Dauphin et le Peintre-chien
(le perro-réal) D'après
Michael Maier (15681622 - médecin et alchimiste allemand qui fut
conseiller de l'empereur romain germanique Rodolphe II de Habsbourg) (cité
par Julius Evola, p.196), la phase dernière, la rubedo, est un Feu
sempiternel, son emblème est le cercle dans lequel se convertit
le "triangle parfait" du Corps, de l'Esprit et de l'Ame.
|
Peut-on retrouver dans cette tapisserie le symbole de l'uvre
achevé, signe qu'indique la 12ème lame du Tarot : un triangle à
sommet inférieur, dont le côté supérieur est surmonté
d'une croix ? Un jeune homme est pendu par
le talon. Celui-ci ne semble pas souffrir de sa position. Le symbole de l'accomplissement
du Grand uvre alchimique, un triangle à l'envers surmonté
d'une croix, est stylisé par la forme des jambes croisées et des
bras dans le dos. Le personnage a les mains liées dans le dos pour l'empêcher
de se libérer et d'agir. La voie empruntée par le pendu est sans
possibilité de retour. http://www.le-tarot-de-marseille.org/1le_bateleur.htm |
| Pour
Henri de La CROIX-HAUTE, (Du Bestiaire des alchimistes, Le Mercure Dauphinois,
2003), l'uf : - est un des symboles religieux
les plus anciens de la globalité - est une enveloppe protectrice,
matrice d'une gestation vers une naissance - contient un germe humide que
la chaleur de la poule va mener à la Vie - était la force créatrice
en Egypte - en Perse et en Chaldée, il était l'univers où
se combattaient Ormuzd le créateur et Ahriman le destructeur - en Iran,
le shah faisait distribuer aux printemps des ufs coloriés de fines
miniatures pour signifier la Résurrection (voir nos 'ufs de Pâque')
- en Gaule : Pline signale que les 'oursins fossiles' qu'il appelait "Anguinu",
étaient considérés comme des "oeufs de serpents".
Il semble que ces fossiles aient été en usage dans la religion celtique
et utilisés pour préserver de la foudre, du venin et d'empoisonnements
divers. Ils symbolisaient l'uf du Monde d'où serait sortie
toute la création. Les Franc-Maçons l'ont repris sous la forme de
l'étoile flamboyante. - une pierre a été découverte
dans les fondations de Notre-Dame de Paris sur laquelle un druide protège
un uf sacré contre des serpents. La
Pierre Philosophale provient d'un uf contenant les trois substances
formatrices : le ferment, le soufre et le mercure, comme l'illustre la figure
III des Douze Clefs de Sagesse de Basile Valentin : 
planche
de l'édition allemande de 1678 Le
Dragon symbolise la Matière première. Deux petits cercles l'entourent
l'un ses ailes, pour indiquer le Volatil, l'autre ses pattes pour indiquer le
Fixe. Les trois serpents et le triangle représente les trois principes
le tout est renfermé dans l'uf des Philosophes. ---------------------------------------------------------------------- Dans
chacune de ces trois séquences, le peintre s'est " représenté
" deux fois : -
Le pèlerin lui-même -
Le chien : le prénom d'Anne de Bretagne, ou peut-être celui d'Anne
de France (Dame de Beaujeu, régente), possibles commanditaires de la tenture,
se lit sur les colliers de certains chiens par les deux lettres extrêmes
A-E. Chaque chien ainsi nommé peut être un perro - réal
(soit Perréal). Seuls ces chiens qui côtoient notre pèlerin
portent des colliers où peut se reconnaître une
coquille Saint-Jacques, attribut du pèlerin. |  | 

|

Icon
Peregrini, gravure du 15ème siècle
les
couleurs des vêtements successifs du Pèlerin |
| tapisserie
3 
|
tapisserie 4 
|
tapisserie 5 |
tapisserie 6 
|
coiffe |
bleu | rouge |
? | tête
nue (en geste de respect) | veste |
rouge | marron
clair | ? |
bleu |
pantalon |
bleu | rouge |
? | rouge |
bottes + sur-bottes |
blanc + noir |
marron foncé + blanc |
? | rouge
+ marron foncé | Quelle
partie du costume considérer pour évaluer une progression qui respecte
l'ordre des étapes alchimiques : nigredo - albedo - rubedo ? Les
bottes, du blanc au rouge ?
Julius
Evola nous apprend (pp.192sq) que : - " Dans les textes, outre les trois
couleurs fondamentales noir, blanc, rouge on en rencontre souvent
d'autres. En principe, elles sont sept en tout, et alors on doit se reporter
aux correspondances planétaires. Toutefois en ce qui concerne leur lieu
dans l'uvre, plus d'une interprétation est possible." -
"Pour Nicolas Flamel, l'apparition des sept couleurs serait en rapport avec
l'opération de l'Esprit qui s'adapte au Corps, au moyen de l'Ame." -
Cesare Della Riviera (1538- 1625) indique l'ordre suivant : Saturne, Jupiter,
Mars, la Terre, Vénus, la Lune, le Soleil -
Dom Antoine-Joseph Pernety (1716-1796) donne l'ordre suivant : Plomb (Saturne,
noir), Etain (Jupiter, gris), Argent (Lune, blanc), Cuivre (Vénus, rouge-jaune),
Fer (Mars, couleur rouille), Pourpre et Or (Soleil, rouge). -
Pour l'Anglais Eyrénée Philalèthe (George Starkey), l'ordre
est le suivant : Mercure pour préparer Saturne (noir), Lune (blanc), Vénus
(vert), bleu-ciel, rouge-brun, pourpre pâle, orange (rouille) et enfin le
rouge du Soleil. - Dans
l'antique tradition hellénique, rapportée par Stephanius, l'ordre
est différent : Saturne (plomb), Jupiter (bronze), Mars (fer), Soleil (or),
Vénus (cuivre), Mercure, Lune (argent).
Accompagné
de son chien dressé, il est à rapproché d'une figure du Tarot
: Le Mat (ou Le Fou), carte qui évolue librement dans la structure du Tarot,
mais aussi en dehors de cette structure. En alchimie, Le Mat est le Mercure, la
Matière Première ; et le Fou et le Sage, artisans de l'uvre
comme le pèlerin, se confondent. (Le
premier jeu de cartes à jouer dessinées connu apparaît vers
1367, important dans la mancie, et plus tard avec le Tarot, comme support à
la méditation symbolique.) un
site à visiter : http://herve.delboy.perso.sfr.fr/maison_tours.html |

|
|
Les cygnes et les pigeons ou colombes, symboles de blancheur
et de pureté retrouvées, placés presque au centre de la sixième
tapisserie, dans un espace très clair, à l'arrivée du pèlerin,
peuvent être interprétés comme la présence du phénix
rouge (qui pourrait être le bonnet rouge que l'homme central a enlevé)
qui clôt la quête du 'lapis'. Le phénix est le symbole de la
métamorphose et une allégorie connue de la résurrection du
Christ (que la tapisserie suivante illustre) et de la resurrectio mortuorum
en général. Ici, il s'agit de la
fin d'une quête initiatique : les oiseaux s'envolant (pigeons ou colombes)
pour évoquer la phase de 'volatilisation ou sublimation', les oiseaux 'à
terre' nageant sur l'eau (les cygnes) pour la 'précipitation ou condensation',
réunissant en un même 'instant' dessiné les phases nécessaires
du "processus d'individuation". Ce processus de croissance psychique,
presque invisible et spontané de l'inconscient, vise à l'accord
du 'conscient' avec son propre centre intérieur, le noyau psychique ou
Soi, selon la terminologie jungienne. En alchimie,
les oiseaux représentent des "esprits" ou des "âmes"
ou encore "l'aqua", soit la substance de transmutation extraite. L'apparition
de deux colombes indique le mariage imminent du filius regius et l'abolition
des opposés opérée par l'union. |
Selon René Guénon,
le symbole du cygne est lié à l'Apollon hyperboréen. Pour
les Grecs, Kyknos était le fils d'Apollon et d'Hyria, soit du Soleil et
de la " terre solaire ". Hyria est une autre forme de Syria, "
l'île sacrée ", nommée encore " Ablun ", "
Belen ", " Avalon ", " Thulé " ou " Tula
" hyperboréenne, la Syrie primitive dont parle Homère comme
une île située " au-delà d'Ogygie ", lieu de la
langue " adamique ", la " langue syriaque ", le " langage
des oiseaux ". C'est dans cette " île " que viennent
d'arriver notre Pèlerin et la Licorne.
De
Julius EVOLA, page 38 : "Le long de cette voie, la connaissance de
soi et la connaissance du monde se conditionnent mutuellement jusqu'à devenir
une seule et même chose merveilleuse, véritable but du Grand uvre
: puisqu'ici et au dehors, en haut comme en bas, dans l'esprit et la nature comme
dans l'organisme humain, les Trois, les Quatre, les Sept et les Douze, le Soufre,
le Mercure, le Sel, les Planètes, le Zodiaque sont présents. 'Le
four est unique, affirment énigmatiquement les 'Fils d'Hermès',
unique la voie à suivre, unique aussi l'uvre'. Il y a une seule Nature
et un seul Art. L'opération est unique, et en dehors d'elle, rien d'autre
n'est vrai". Les
écrits et l'iconographie alchimiques le relatent sans cesse : la matière
doit être symboliquement mise à mort de façon dramatique et
sacrificielle. C'est le nigredo, l'uvre au Noir, au cours
duquel la mort travaille : roi et reine décapités ou gisant dans
leur sépulcre, Mercure mutilé par Saturne, serpent crucifié
La Passion du Christ aurait eu selon les Evangiles cette violence et cette
cruauté que La Chasse narre. Puis viendra, après la Crucifixion,
le repos édénique. Transmutation. Trans-mutation
quand on a longtemps marché. Ici se re-découvre la Terre dans son
ample volume, " matérialité grossière d'abord puis Terre
pure, vierge et adamique dont naît " l'Enfant des Sages " et où
" trouve à se boucler la circularité ouroborique de périple
philosophal. " (Françoise BONARDEL - p.632)
Après
le jaillissement du sang et de l'eau christiques tombé sur la terre, c'est
le jaillissement végétal. La
Mort a engendré la Vie. 
|
Cette tapisserie souligne
aussi l'un des thèmes alchimiques importants : trouver la Lumière
en soi. La
réalisation de la "Pierre" s'est aussi la transmutation d'un
corps physique en un corps incorruptible, "corps divin", "corps
de gloire", symbolisé par l'Or supérieur. Ce
repos de la "septième tapisserie" est une imitatio dei
: Dieu s'est reposé le septième jour de la Création. L'état
de béatitude, l'eudaimonia, de contemplation, qui se lit dans le
regard et l'attitude de la licorne, est une imitation de la condition divine. La
chaîne n'est plus d'incarcération, mais d'Amour. |
Cette
tapisserie recense 'les points de lumière' : 
|
- la création du Cosmos : FIAT
LUX (l'expression peut se lire
de droite à gauche et de gauche à droite sur les éléments
de l'enclos) - la naissance de
Jésus (l'enclos est la crèche ; la licorne semble se lever) -
la résurrection du Christ -
la seconde venue du Christ sur Terre pour le Jugement Dernier |
" Des deux pèlerins
qui s'acheminent vers la vision de la divinité, l'un, l'Adepte, s'en remet
au Prophète, l'autre, le théoricien ne compte que sur la seule théologie
: il abandonnera dès la première étape. Celle-ci est l'échelle
des Cieux, correspondant aux sphères des sept prophètes et des sept
planètes. La deuxième étape sera celle des Stations épiphaniques,
jusqu'au Trône du Miséricordieux ; la troisième, celle des
Demeures théosophales jusqu'à la présence de l'Un. Tandis
que le théoricien, sceptique et réfractaire, se contente des enseignements
fragmentaires des planètes, 1'Adepte est accueilli par les entités
spirituelles des prophètes, qui lui révèlent les mystères
théosophiques du Grand uvre. (Ibn Arabî sait que l'alchimie,
d'essence divine, procède de la prophétie.) Admis au paradis, l'Adepte,
terrassé par l'extase, sera initié aux Noms divins, à la
force magique des formes, à l'interprétation des songes, aux fins
dernières, au monde des essences. Dans la troisième étape,
l'univers suprasensible lui sera dévoilé. II est admis à
connaître la Matière première, il reçoit la vision
de l'Âme du monde - la " Table gardée " - et de l'Intellect
suprême - le " Calame ". Il atteint enfin la Nuée, la Présence
de l'Un-Seul. Cheminant avec Dieu, il se laissera porter sur la "Litière
de la divine Sollicitude ". Quant au théoricien, ridicule mais
repentant, il parcourra en un éclair tous les degrés de l'ascension.
" Jean
Biès, Les Alchimistes,
Kiron-Philippe Lebaud, 2000, p.178 |

Les
grenades surmontées d'une couronne |
La grenade : Jean Boucher
relève qu'elle symbolise la charité (graines nombreuses), l'humilité
(graines sous l'écorce), l'union des Chrétiens dans l'Eglise (graines
serrées), la fécondité de la génération et
de la richesse, la vulve (si ouverte), la sexualité (dans l'ésotérisme
antique : Babylone, Grèce, Syrie ; dans les cultes lunaires indien et tantrique).
La grenade a été reprise par la Franc-Maçonnerie : "
les graines noyées dans une pulpe transparente " désignent
les Maçons unis entre eux par un idéal commun. De plus, l'écorce
de la racine est toxique : " les Maçons, issus d'un monde mauvais
par essence, s'élèvent à un état d'excelsion. "
(pp.142/3) Jules BOUCHER,
La Symbolique maçonnique, Dervy, 1998 | René
Guénon, Symboles fondamentaux de la Science sacrée,
Gallimard, 1962, pp. 332-335
L'Arbre
de Vie et le breuvage d'immortalité
En
parlant de " l'Arbre du Monde " nous avons mentionné notamment,
parmi ses différentes figurations, l'arbre Haoma de la tradition avestique
; celui-ci (et plus précisément le Haonua blanc, arbre " paradisiaque
", puisque l'autre, le Haoma jaune, n'en est qu'un " substitut "
ultérieur) est particulièrement en relation avec son aspect d' "
Arbre de Vie " car la liqueur qui en est extraite, et qui est appelée
aussi haoma, est la même chose que le soma védique, qui, comme on
le sait, s'identifie à l'amrita ou " breuvage d'immortalité
". Que
le soma soit d'ailleurs donné comme extrait d'une simple plante plutôt
que d'un arbre, il n'y a là aucune objection valable contre ce rapprochement
avec le symbolisme de " l'Arbre du Monde " ; en effet, celui-ci est
désigné par de multiples noms, et, à côté de
ceux qui se rapportent à des arbres proprement dits, on rencontre aussi
celui de " plante " (oshadhi) et même celui de " roseau ". 
Si
l'on se reporte au symbolisme biblique du Paradis terrestre, la seule différence
notable qu'on y constate à cet égard, c'est que l'immortalité
est donnée, non par une liqueur tirée de " l'Arbre de Vie ",
mais par son fruit même ; il s'agit donc ici d'une " nourriture d'immortalité
", plutôt que d'un breuvage ; mais, dans tous les cas, c'est toujours
un produit de l'arbre ou de la plante, et un produit dans lequel se trouve concentrée
la sève qui est en quelque sorte l' " essence " même du
végétal.
Il
est aussi à remarquer d'autre part que, de tout le symbolisme végétal
du Paradis terrestre, " l'Arbre de Vie " seul subsiste avec ce caractère
dans la description de la Jérusalem céleste, alors que tout le reste
du symbolisme y est minéral ; et cet arbre porte alors douze fruits qui
sont les douze " Soleils ", c'est-à-dire l'équivalent
des douze Adityas de la tradition hindoue, l'arbre lui-même étant
leur commune nature, à l'unité de laquelle ils reviennent finalement. [
] Cette
dernière remarque nous ramène à ce que nous avons dit précédemment
au sujet du Paradis terrestre, qui est encore effectivement une partie du "
cosmos ", mais dont la position est pourtant virtuellement " supra-cosmique
" ainsi s'explique que, de là, le fruit de " l'Arbre de Vie "
puisse être atteint, ce qui revient à dire que l'être qui est
parvenu au centre de notre monde (ou de tout autre état d'existence) a
déjà conquis l'immortalité par là même ; et
ce qui est vrai du Paradis terrestre l'est naturellement aussi de la Jérusalem
céleste, puisque l'un et l'autre ne sont en définitive que les deux
aspects complémentaires que prend une seule et même réalité
suivant qu'elle est envisagée par rapport au commencement ou à la
fin d'un cycle cosmique.
Il
va de soi que toutes ces considérations doivent être rapprochées
du fait que, dans les différentes traditions, des symboles végétaux
apparaissent comme " gage de résurrection et d'immortalité
" le " rameau d'or " des Mystères antiques, l'acacia qui
le remplace dans l'initiation maçonnique, ainsi que les rameaux ou les
palmes dans la tradition chrétienne, et aussi du rôle que jouent
d'une façon générale, dans le symbolisme, les arbres qui
demeurent toujours verts et ceux qui produisent des gommes ou des résines
incorruptibles.
D'un
autre côté, le fait que le végétal est parfois considéré
dans la tradition hindoue comme étant de nature " asurique "
ne saurait constituer une objection ; la croissance du végétal est
en partie aérienne, mais aussi en partie souterraine, ce qui implique en
quelque sorte une double nature, correspondant encore en un certain sens à
" l'Arbre de Vie " et à " l'Arbre de Mort ". C'est
d'ailleurs la racine, c'est-à-dire la partie souterraine, qui constitue
le " support " originel de la végétation aérienne,
ce qui correspond à la " priorité " de nature des Asuras
par rapport aux Dêvas ; au surplus, ce n'est assurément pas sans
raison que la lutte des Dêvas et des Asuras est représentée
comme se déroulant principalement autour de la possession du " breuvage
d'immortalité ".
De
la relation étroite du " breuvage d'immortalité " avec
" l'Arbre de Vie ", il résulte une conséquence fort importante
au point de vue plus spécial des sciences traditionnelles : c'est que l'"
élixir de vie " est plus proprement en rapport avec ce qu'on peut
appeler l'aspect " végétal " de l'alchimie, où
il correspond à ce qu'est la " pierre philosophale " pour son
aspect " minéral " ; on pourrait dire en somme que l' "
élixir " est l' " essence végétale " par excellence.
On ne doit
d'ailleurs pas objecter à cela l'emploi d'une expression telle que celle
de " liqueur d'or ", qui, tout comme celle de " rameau d'or "
que nous rappelions tout à l'heure, fait en réalité allusion
au caractère " solaire " de ce dont il s'agit ; il est évident
que ce caractère doit avoir son expression dans l'ordre végétal
aussi bien que dans l'ordre minéral ; et nous rappellerons encore à
cet égard la représentation du soleil comme " fruit de l'Arbre
de Vie ", fruit qui d'ailleurs est aussi désigné précisément
comme une " pomme d'or ". Site
: " au cur du symbolisme " http://users.skynet.be/lotus/sitemap/sitemap-fr.htm |
Il
nous faut imaginer le bruit que chaque tapisserie prétend évoquer
mais étouffe en ses fils tressés (les musées sont si silencieux
!) : les aboiements de la meute des chiens, les cris, les appels, les rires, les
quolibets et les chants des chasseurs, les envols et les courses des autres animaux
effrayés. Le Pèlerin ignore tout de ce vacarme. Regarde-le, il marche,
silencieux en lui-même, concentré sur son but qu'il fixe des yeux.
Six jours de marche pour rejoindre La Reine et le Roi. Le septième jour
est celui du silence, du repos, de la sérénité. Le Pèlerin-Licorne
savoure ce lieu paradisiaque où le peintre a celé le mystère
du Cosmos qui ne cesse de se créer, dans le lent tourbillon de son Zodiaque,
de ses Planètes. Du Chaos organisé de la tapisserie 2 ... au Cosmos
en création sempiternelle dans l'ultime tapisserie 7, sous l'action permanente
de la Corne-Dieu. "
Si l'on peut en effet parler du drame chymique en termes de théâtralité,
et si l'action curative du théâtre fut parfois comparée à
une transmutation, n'est-ce pas que les scènes théâtrale et
philosophale autorisent justement ce que prohibent les métaphysiques une
incarnation de l'invisible dans une " matière " par ce jeu cruel
purifiée ? [
] Or s'il s'agit bien, en alchimie aussi, d'accéder
à un surplus de " réalité ", la scène philosophale
travaille pourtant à une glorification seconde du manifesté
Il ne paraît donc pas indifférent quant au statut et aux visées
propres de l'Art d'alchimie que la " matière " se donne ainsi
à voir, s'épiphanise, se spectacularise, dans la mesure où
la Nature est reconnue pour être le Lieu et l'instrument d'une autre
forme de démystification de l'illusion qui n'atteint pas le manifesté
en tant que tel, mais seulement certaines de ses carences ou inflations entravant
la " gloire " à laquelle il peut légitimement aspirer.
" (Françoise BONARDEL - pp.508-9) "
Foncièrement dramatique donc, en ce qu'elle donne continûment "
à voir " les transformations d'une matière travaillée
par de terribles tensions ; et initiatrice en ce qu'elle procède bien à
une comparable purification et élévation, la scène "
chymique " ici envisagée dans son rapport à la théâtralité
trouve-t-elle véritablement dans le drame un mode d'exposition et de résolution
comparable au processus et à l'uvre philosophal ? Forme théâtrale
en ce cas distinguée de la tragédie, le drame est alors supposé
permettre le dépassement de la tension liée à l'exaspération
des antagonismes, par une forme de " synthèse " supérieure
aux vertus transfigurantes, apaisantes ou réconciliatrices selon les circonstances,
mais en tout état de cause assimilable à la réalisation du
Grand uvre. " (pp.544-5)
" Prise de Terre faisant configurer globalité, intégrité
et générosité ; ce qu'on nomme panacée, remède
universel, n'étant peut-être que l'entrevision d'une telle contemporanéité,
attestant que l'uvre est désormais incorporé grâce
à une ultime et conjointe mutation de la " matière " et
de l'espace médiateur enfin devenu, par ce retournement du regard vers
la Terre, spatialité rayonnante, coeur. " (p.635-6)
"
une Terre offrant à la " matière " la chance d'une
corporification que l'amplitude de l'espace ainsi englobé autant que préservé
prémunit de devenir le lieu d'une nouvelle incarcération. L'accent
à nouveau mis sur la gestualité opérative, propre à
la "reconduction en Terre" cette fois-ci, permet donc dc mettre au jour
une ultime modalité d'apparition de l'espace visionnaire de transmutation
qui, définitivement dégagé de l'entre-deux dissolvant des
limbes, et rendu opératif par la relation contemplative et active de l'Artiste
et de sa "matière", permet d'attribuer au Vase philosophal devenu
" coeur " les vertus multiplicatives et corporisantes de la Pierre,
dont la désignation comme Terre rappelle que par cette conversion
la réalisation de l'uvre y fut contemporaine d'une inflexion du regard
et de la " matière " vers " l'humble degré terrestre
" : Elle, c'est vrai,
n'existait point. Mais parce qu'ils l'aimaient bête pure, elle fut.
Toujours ils lui laissaient l'espace (...) Ce ne fut pas de grain qu'ils
la nourrirent, mais rien que, toujours, de la possibilité d'être.
Et cela lui donna, à elle, tant de force, qu'elle s'en fit une corne
à son front. L'unicorne. (
Rainer Maria Rilke) (p.637) "
On a certes remarqué que les grandes découvertes la métallurgie,
l'agriculture, le calendrier, " la loi ", etc. avaient notablement
modifié la condition humaine. Mais on n'a pas compris la dynamique intime
de cette modification et ses implications cosmiques.
En
effet, avec chaque nouvelle découverte fondamentale, l'homme ne se borne
pas à élargir la sphère de sa connaissance empirique et à
renouveler ses moyens de vivre, il découvre un nouveau niveau cosmique,
il fait l'expérience d'un autre ordre de la réalité.
Ce n'est pas la
découverte des métaux en tant que tels qui a provoqué le
bond mental c'est leur " présence " qui a permis à l'homme
de découvrir un autre niveau cosmique, c'est-à-dire d'entrer en
contact avec des réalités jusque-là inconnues ou sans signification.
Autrement dit, la métallurgie tout comme l'agriculture, etc.
provoque des synthèses mentales qui modifient radicalement la condition
humaine, en modifiant l'image que l'homme se fait du Cosmos. Ces
synthèses mentales, dépassées ou dévoyées par
les découvertes ultérieures, sont les vrais facteurs de l'évolution
psychique et spirituelle de l'humanité. Chose qu'il convient de souligner
d'autant plus que la science moderne a superbement négligé la
signification cosmologique et la valeur expérimentale de ces découvertes.
Il ne s'agit pas seulement d'un nouvel instrument dans la lutte pour l'existence
(le métal, l'agriculture, etc.), mais de la révélation d'un
autre Cosmos, dont les niveaux et les rythmes étaient jusqu'alors inaccessibles
à l'homme. Cette
" révélation " doit être entendue dans le sens étymologique
du mot. Devant l'homme " s'ouvre " un nouveau niveau cosmique, dans
lequel il pénètre concrètement, expérimentalement.
" La présence
" des métaux à ses côtés lui fait découvrir,
par exemple, le moyen magique d'établir des rapports avec " les cercles
métalliques " ou avec " la matrice de la terre dans laquelle
ont " poussé " les minerais. La seule intervention du métal
dans l'expérience de l'homme modifie radicalement sa structure parce qu'elle
a modifié toute sa synthèse mentale en ce qui concerne le Cosmos.
" pp. 15-16 -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - "
Les étapes de la vie mentale de l'humanité sont en rapport direct
avec quelques découvertes importantes la métallurgie, l'agriculture,
la mesure du temps, etc. Avec chacune de ces découvertes, l'homme entrait
en contact, dirions-nous, avec un autre ordre de réalités et s'intégrait
à un nouveau Cosmos. La découverte de l'agriculture, par exemple,
intégra l'homme à un Cosmos vivant, dont les lois se trouvaient
sous le signe de l'identification de la Terre à la femme, à la pluie,
à la fécondité, à la naissance et à la mort.
Il ne s'agit pas seulement
d'homologations et d'équations symboliques entre ces réalités
de niveaux différents, mais d'expériences rendues possibles par
la découverte du phénomène agricole et par un long vécu
selon les rythmes de la vie végétale. Soulignons surtout le fait
que ces expériences modifièrent totalement la structure mentale
de l'humanité : l'agriculteur connut des réalités inaccessibles
au nomade, il découvrit des lois et comprit des symboles auxquels son esprit
était absolument opaque avant qu'il ne vécût l'expérience
végétale.
Une
modification similaire de la structure mentale se produisit lors de la découverte
de la métallurgie. Un autre Cosmos fut connu, révélé,
par le travail des métaux qui, nous le verrons, étaient conçus
eux aussi comme des organismes vivants. L'apparition
des métaux et des rituels métallurgiques provoqua des expériences
et alimenta des processus spirituels qui changèrent l'homme dans
le sens concret du mot. C'est-à-dire qu'il ressentit et regarda autrement
le monde, qu'il découvrit des réalités qui lui étaient
jusque-là inaccessibles. Chaque étape fondamentale de l'histoire
de l'humanité rendit donc possible la " pénétration
" de l'homme dans d'autres niveaux cosmiques. Chaque nouvelle modification
de la structure humaine signifie aussi, dans un certain sens, une nouvelle fructification
de la conscience, l'homme acquérant de nouvelles zones d'expérience
et découvrant des analogies entre des niveaux de réalité
très différents." (pp. 83-84) Mircea
Eliade, Cosmologie et alchimie babyloniennes, Gallimard, 1937 en roumain
et 1991 en français, traduit par Alain Paruit |
Relation
avec la page "Jean Perréal" de "La Dame à
la Licorne" : cliquer ici
Un site prioritaire : http://herve.delboy.perso.sfr.fr/index.html |