celui qui a la Volonté, la Puissance, le Pouvoir Initiatique

l'accomplissement intégral du Grand Œuvre, réservé à l'Initié parfait, au Maître, est figuré par l'idéogramme

Judas se pendra

LE DIABLE

Une fois de plus nous nous trouvons devant une représentation propre au Tarot de Marseille. Dans les jeux anciens la figuration est, si l'on peut dite, plus " chrétienne " : des monstres tels que l'imagerie des cathédrales en présente beaucoup.

Ici l'effigie a des résonances nettement alchimiques. De même que l'astrologie, l'alchimie influence le Tarot de Marseille et, auparavant, quelques spécimens exceptionnels comme ceux qui se trouvent à la bibliothèque du Guildhall de Londres ou au Musée de Leinfelden, en République fédérale d'Allemagne. L'existence de ces cartes prouve que dès le milieu du XVè siècle le Tarot se dédoublait en deux familles, la première entièrement placée sous le symbolisme chrétien (Tarot des Visconti), la seconde traversée d'ésotérisme. Cette seconde branche s'est en quelque sorte occultée elle-même pendant plus de deux siècles en laissant le champ libre aux Tarots italiens comme le " Minchiate " ou le " Tarrochino " de Bologne dont les figures simples dérivent toujours du même patron " chrétien ". Par quels cheminements obscurs l'occultisme a-t-il resurgi à la fin du XVIIe pour donner le Tarot de Marseille ?

Répétons que cette figure du " Diable " est absolument originale et pose l'une des interrogations les plus irritantes du Tarot de Marseille, quel que soit le point de vue de l'observateur. Jean Richer [L'alchimie du verbe de Rimbaud, p. 206, Didier, 1972] par exemple, partant de l'idée que, en Kabbale, la lettre S est en relation avec l'Arcane XV, le Diable, identifié à Typhon-Set analyse le poème de Rimbaud Le Mal dans cette perspective. (Jean-Marie Lhôte)

Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu'une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
— Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… —

Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;
Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

Rimbaud, Poésie, 1870

n°. XVIII. LA LUNE

Ainsi la LUNE qui marche à la fuite du Soleil est aussi accompagné de larmes d'or & de perles, pour marquer également qu'elle contribue pour sa part aux avantages de la terre.
Pausanias nous apprend dans la Description de la Phocide, que, selon les
Egyptiens, c'étaient les Larmes d'Isis qui enfloient chaque année les eaux du Nil & qui rendoient ainsi fertiles les campagnes d'Egypte. Les relations de ce Pays parlent aussi d'une goutte ou larme, qui tombe de la Lune au moment où les eaux du Nil doivent grossir.
Au bas de ce tableau, on voit une Ecrevisse ou Cancer, soit pour marquer la marche rétrograde de la Lune, soit pour indiquer que c'est au moment où le Soleil & la Lune sortent du signe de Cancer qu'arrive l'inondation causée par leurs larmes au lever de la Canicule qu'on voit dans le tableau suivant.
Ou pourroit même réunir les deux motifs : n'est-il pas très-ordinaire de se déterminer par une foule de conséquences qui forment une masse qu'on serait souvent bien embarrassé à démêler ?
Le milieu du tableau est occupé par deux Tours, une à chaque extrémité pour désigner les deux colonnes d'Hercule, en deçà & au-delà desquelles ne passent jamais ces deux grands luminaires.
Entre les deux colonnes sont deux Chiens qui semblent aboyer contre la Lune & la garder : idées parfaitement Egyptiennes. Ce Peuple unique pour les allégories, comparoit les Tropiques à deux Palais gardés chacun par un chien, qui, semblables à des Portiers fidèles, retenoient ces Astres dans le milieu des Cieux sans permettre qu'ils se glissassent vers l'un ou l'autre Pôle.
Ce ne sont point visions de Commentateurs en us. CLEMENT, lui-même Egyptien, puisqu'il était d'Alexandrie, & qui par conséquent devoit en savoir quelque chose, nous assure dans ses Tapisseries [ou Stromates, Liv. V] que les Egyptiens représentoient les Tropiques sous la figure de deux Chiens, qui, semblables à des Portiers ou à des Gardiens fidèles, empêchoient le Soleil & la Lune de pénétrer plus loin, & d'aller jusqu'aux Pôles. "

Antoine Court de Gébelin, Le Tarot, dans Le Monde Primitif, volume VIII, 1773-1782

Antoine Court de Gébelin, 1725 ? - 1784, pasteur protestant, chargé de mission diplomatique, auteur célèbre de son temps, membre érudit de diverses académies, franc-maçon (Loge parisienne Les Amis Réunis, puis celle des Neuf Sœurs, avec Voltaire, de Lalande, Greuze, Houdon, Lacépède, Benjamin Franklin), Censeur royal. Auteur du Monde Primitif, en 9 volumes, publiés à raison d'un par an, comprenant chacun 600 à 700 pages.

n°. XIX. LE SOLEIL

" Nous avons réuni sous cette planche tous les tableaux relatifs à la lumière : ainsi après la lanterne sourde de l'Hermite, nous allons passer en revue le Soleil, la Lune & le brillant Sirius ou la Canicule étincelante, tous figurans dans ce jeu, avec divers emblèmes.
Le SOLEIL est représenté ici comme le Père physique des Humains & de la Nature entière : il éclaire les hommes en Société, il préside à leurs Villes : de ses rayons distillent des larmes d'or & de perles : ainsi on désignoit les heureuses influences de cet astre.
Ce Jeu des Tarots est ici parfaitement conforme à la doctrine des Egyptiens, comme nous l'allons voir plus en détail à l'article suivant."

LE MONDE
Même étonnement que pour la Lame précédente devant ce traditionnel "quatrefeuille" que Court de Gébelin ne veut pas reconnaître. Est-ce parce qu'il n'est pas assez " égyptien" ?

Trois détails doivent être signalés : le personnage central est un androgyne, l'animal inférieur gauche ressemble plus à un cheval qu'à un taureau, dans le Tarot de Marseille ; la tradition ne dit pas clairement si le personnage tient une seule ou deux baguettes. (Jean-Marie Lhôte)