COMPOSITION DES TAPISSERIES
(propositions)
Chaque
tapisserie est un arrangement complexe de personnages, d'animaux, d'arbres, de
plantes et de bâtiments, porté à une sorte de perfection,
sans que la scène de chaque tapisserie soit reçue comme un collage
d'éléments hétéroclites. Mouvement, vie, réalisme
sont les caractères des scènes représentées. Si
les animaux sont surtout dessinés de profil pour mieux les caractériser,
les humains sont traités de profil et de trois-quarts (sur les bords) et
de face (au centre), vêtus de couleurs très variées, créant
ainsi un mouvement semi-circulaire très dynamique. Seul le personnage de Lucifer (chasseur sur la petit pont) semble être conçu vu de dos, la tête tournée vers la gauche et les pieds dirigés vers la droite. "
Entre l'Antiquité tardive et le XVIIIe siècle, une large part des
arts visuels représente des sujets empruntés à un texte écrit.
Le peintre et le sculpteur étaient chargés de traduire la parole
- religieuse, historique, poétique - par une image visuelle. " Meyer
Schapiro, Les mots et les images. Sémiotique du langage visuel,
1996, Macula, 2000, traduit de l'américain par Pierre Alferi, p. 31. |
Tapisserie 1
Une construction simple et sereine : - une succession de 6 verticales (en rouge) également espacées supportant les hommes - au tiers inférieur, 4 horizontales (en bleu) portant les chiens - un jeu d'obliques ascendantes vers la gauche (en vert) presque parallèles suivent les lances et les bras - deux obliques ascendantes vers la droite (en violet) reliant, l'une les têtes des hommes, l'autre celles des chiens, indiquent une avancée vers l'est où apparaît "la lumière" indiquée par des feuillages de forme 'circulaire' teintés de jaune - des courbes de dimension différente : les arbres "de lumière" et de sens inverse : les plumes des coiffes - deux têtes de chiens dirigées vers l'arrière, deux vers l'avant
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Une construction très géométrique en deux figures :
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Une construction plus dynamique : - trois arcs de cercle s'élevant vers "le point de lumière naissante"
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Une construction en spirales : - deux spirales ascendantes se déroulant vers " les points de lumière " : le cerisier ou merisier, premier à fleurir au printemps et la lumière naissante à l'est. Ces deux halos de lumière (le soleil naissant ou "l'Etoile des bergers et des mages" à droite ; la lune à gauche ) auréolent et magnifient les lettres A et 3 qu'ils portent. | |
La spirale et le pèlerinage
L'alchimie est un jeu. Un jeu sérieux lusus serius, pour reprendre un mot de Michel Maier. L'alchimie des Noces [Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz de Johann Valentin Andreae publiées en 1616] n'oriente point vers un but aussi situé que serait un temple localisé, car il s'agit surtout de trouver, c'est-à-dire de construire, un lieu mais qui n'est pas un point fixe. Voyage infini, car toujours à poursuivre en spirale. Eternel pèlerinage, qui n'a pas pour fin un paradis où rien ne se passerait plus. Recréation permanente, comme s'il s'agissait moins d'aboutir que de marcher toujours, et en sachant pourquoi. Cette forme de pèlerinage ne se fonde pas sur un idéal de perfection comme la sainteté , mais de totalité. On
ne nous dit pas que ceux qui rencontrèrent le Christ sur le chemin d'Emmaüs
se seraient perdus ensuite dans l'immobilité éternelle d'on ne sait
quelle fusion unitive, fût-elle aussi cognitive. Imaginons qu'ils reçurent
au contraire, par cette rencontre avec le Ressuscité, l'impulsion d'un
désir actif et dynamique, générateur d'anabases et de catabases
toujours recommencées. Voyage en spirale, donc. Mais si la boucle n'est jamais bouclée, l'harmonie humano-cosmique se révèle par là même de plus en plus féconde, lourde d'engendrements nouveaux. Les Noces Chymiques de Christian ne se terminent pas, le roman reste inachevé. "
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Tapisserie 2
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Une composition plus complexe mais rigoureuse : - une croix renversée (en bleu) annonce (peut-être) la crucifixion de la tapisserie 6 - 3 arcs de cercle (en rouge), celui des humains au-dessus, ceux des animaux au-dessous, élargissent le cercle central de la margelle de la fontaine - une multitude d'obliques (en jaune) axées sur les armes ou certains bras des chasseurs -
en définitive : une image du Chaos tourbillonnant et du Cosmos en expansion
que la croix cadre et 'apaise'
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La tapisserie 2 semble construite sur l'armature de trois cercles concentriques qui peuvent rappeler les formes concentriques (rondes ou carrées) de diverses traditions.
Ainsi les trois enceintes du palais de Poséidon dans la cité
des Atlantes, capitale de " l'Atlantis disparue " dont parle Platon
dans son Critias : "
Avec toutes ces richesses qu'ils tiraient de la terre, les habitants construisirent
les temples, les palais des rois, les ports, les chantiers maritimes, et ils embellirent
tout le reste du pays dans l'ordre que je vais dire. Ils commencèrent par jeter des ponts sur les fossés d'eau de mer qui entouraient l'antique métropole, pour ménager un passage vers le dehors et vers le palais royal. Ce palais, ils l'avaient élevé des l'origine à la place habitée par le dieu et par leurs ancêtres. Chaque roi, en le recevant de son prédécesseur, ajoutait à ses embellissements et mettait tous ses soins à le surpasser, si bien qu'ils firent de leur demeure un objet d'admiration par la grandeur et la beauté de leurs travaux. Ils creusèrent depuis la mer jusqu'à l'enceinte extérieure un canal de trois plèthres de large, de cent pieds de profondeur et de cinquante stades de longueur, et ils ouvrirent aux vaisseaux venant de la mer une entrée dans ce canal, comme dans un port, en y ménageant une embouchure suffisante pour que les plus grands vaisseaux y pussent pénétrer. En outre, à travers les enceintes de terre qui séparaient celles d'eau de mer, vis-à-vis des ponts, ils ouvrirent des tranchées assez larges pour permettre à une trière de passer d'une enceinte à l'autre, et par-dessus ces tranchées ils mirent des toits pour qu'on pût naviguer dessous ; car les parapets des enceintes de terre étaient assez élevés au-dessus de la mer. Le plus grand des fossés circulaires, celui qui communiquait avec la mer, avait trois stades de largeur, et l'enceinte de terre qui lui faisait suite en avait autant. Des deux enceintes suivantes, celle d'eau avait une largeur de deux stades et celle de terre était encore égale à celle d'eau qui la précédait ; celle qui entourait l'île centrale n'avait qu'un stade. Quant à l'île où se trouvait le palais des rois, elle avait un diamètre de cinq stades. " (Traduction Émile Chambry)
chez les Celtes ? -
site sur l'article de Paul Le Cour : " la triple enceinte " (Les
trois enceintes, Atlantis n° 17, avril 1929) -
site qui 'recadre' le problème des représentations de "triples
enceintes". Il montre une xylographie extraite de la célèbre
Chronique Universelle de Nuremberg d'Hartmann Schedel, ouvrage imprimé
de la fin du XVe siècle. " La gravure en question a le mérite
d'être appuyée par un texte et de s'inscrire dans une période
pour laquelle sont attestées des représentations de "triples
enceintes" dont le caractère symbolique (au sens large) ne peut être
contesté. " :
Est-ce,
comme le pense René Guénon, une " image " des trois degrés
d'une initiation, des trois grades d'une hiérarchie qui mène au
" point central ". Les quatre lignes en forme de croix qui relient les
trois enceintes seraient des " canaux " qui permettent la transmission
de la doctrine traditionnelle à partir du centre, cette " Fontaine
d'enseignement " dont parlent Dante et les " Fidèles d'Amour
" (Symboles fondamentaux de la Science sacrée, p. 102).
Les
" canaux de transmission " de déclinent de haut en bas de la
tapisserie, du trinitaire à l'unaire, comme suit :
Ces trois enceintes se retrouvent dans le Temple de Salomon : Rois
I - 6, 36 : Il bâtit le parvis intérieur de trois rangées
de pierres de taille et d'une rangée de poutres de cèdre. |
Tapisserie 3
Une construction qui oppose la " quiétude " de certains à l'agressivité des autres : - un mouvement enroulant et une courbe qui finissent sur le geste de baptême en haut au centre - des lances dressées obliquement dont les pointes dirigées sur la licorne lui font " une couronne d'épines " - l'axe de la corne de la licorne rejoint (hors tapisserie) celui du cor à l'extrême gauche en haut
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Une construction se rapprochant de celle en spirales : - une spirale se déroulant des pieds de Lucifer sur la passerelle où tout chancelle jusqu'au sommet de la corne de la licorne projetée vers le Ciel, autour de l'axe de l'arbre (colonne et croix de La Passion)
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Tapisserie 4
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Toujours une construction en cercle des humains et des chiens autour de la licorne au centre de l'ensemble, charpentée par une croix. Peut-être une ellipse passant par la tête des personnages et une succession de trois arcs de cercle évoquant les vagues montantes de la violence humaine, derrière et devant la licorne. Une échappée possible vers le bas à droite.
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Tapisserie 5
Le
jardin carré qu'une palissade ornée de rosiers limite pourrait symboliser
le " Jardin des Hespérides " : Héra avait chargé
les Hespérides (Aéglé, Érythie et Hespérie,
les nymphes du Couchant) de veiller sur les pommes d'or de ce fabuleux verger
avec l'aide du dragon Ladon. Hector pourrait être aussi Jeanne d'Arc : tous deux endossent les responsabilités d'une guerre qui ne sont pas de leur fait. Pandore, Eve, Hélène, Aphrodite, Isabeau de Bavière : des femmes que les hommes (certains !) rendent responsables de tous leurs malheurs et de ceux de l'humanité ! La ceinture de la femme " sauvée des flammes " pourrait représenter le sexe féminin. http://fr.wikipedia.org/wiki/Isabeau_de_Bavi%C3%A8re La
scène de droite disparue pourrait représenter : |
Il manque environ les 3/4 de la tapisserie initiale qui a brûlé. Deux licornes pouvaient être présentes. Dans
ce cadre, il manque à terminer : - une femme assise dont on voit la main sur l'encolure de la licorne (elle est chargée d'apaiser la licorne pour que chasseurs la tuent ou la capturent)
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Tapisserie
reconstituée par Helmut NICKEL
"About the Sequence of the Tapestries
in The Hunt of the Unicorn and The Lady with the Unicorn",
The
Metropolitan Museum Journal, n°17, 1984.
http://www.metmuseum.org/pubs/journals/1/pdf/1512782.pdf.bannered.pdf
Reconstitution très intéressante trouvée sur le site :
http://deslicornesetdeshommes.kazeo.com/tapisseries-de-la-chasse-a-la-licorne-c27548704
"The lost tapestries of the Scottish king James V"
"Les tapisseries perdues du roi écossais James V"
Reconstitution de la tapisserie à Stirling Castle.
La tapisserie finale du projet nommé "La Chasse mystique de la Licorne" a marqué officiellement la fin du plus grand projet de tapisserie entrepris tout au long du siècle dernier au Royaume-Uni. Le projet a été initié en 2001 par Historic Scotland pour tenter de reconstituer les intérieurs du château de Stirling pendant le règne du roi écossais James V et de son épouse, Marie de Guise.
Le roi écossais possédait plus de cent tapisseries. Après des recherches approfondies, l'équipe a trouvé l'ensemble des sept tapisseries flamandes du 15e siècle au Metropolitan Museum of Art de New York. C’est alors que dix-huit tisserands ont été réunis à travers le monde pour tenter de recréer "La Chasse à la licorne ».
Maintenant, pour la première fois, les visiteurs du château de Stirling sont en mesure de voir les sept tapisseries exposées ensemble.
Peter Buchanan, directeur du projet de Historic Scotland, a déclaré : « Bien que nous ne saurons jamais ce qui est arrivé aux tapisseries d'origine, le fait que nous avons maintenant ces re-créations fantastiques, avec l'aide du Met de New York et grâce à la générosité de nos donateurs, offrira aux visiteurs du château, maintenant et pour les générations à venir, un réel aperçu de la façon dont le palais était peut-être à l'époque de James V. »
Ce n'est pas le premier projet entrepris pour recréer les aspects du château de Stirling. En 2011, Historic Scotland a terminé un projet de 12 millions de livres pour reconstituer les médaillons de chêne qui ornaient les plafonds du château sous le règne de James V. (traduction de l’article du site suivant) https://www.youtube.com/watch?v=qTRXUBht1z4
http://www.historyextra.com/article/culture/james-v-lost-tapestries-recreated-stirling-castle
http://www.geograph.org.uk/photo/2676536
http://www.instirling.com/stirling_castle_palace.html
http://www.historyextra.com/stirlingheads
http://www.culture24.org.uk/history-and-heritage/historic-buildings/art356658
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Tapisserie 6
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Le " circuit " que je propose ci-contre permet de suivre le " chemin de la Rédemption " humaine : de la Crucifixion en haut à gauche à l'arrivée du pèlerin au terme de sa " quête " : que le couple royal reconnaît par des signes des doigts et qu'un homme salue en soulevant son bonnet. Puis le regard parcourt la sente des animaux : de l'écureuil (Jean Fouquet et/ou Anne de Bretagne ?) au chien royal du Dauphin (Jean Perréal ?). Dans la figuration du temps qui passe, la figuration simultanée est ici employée : deux scènes (voire plus) sont représentées sur la tapisserie, sans qu'aucune " marque " ne les sépare dans l'espace. La lecture occidentale de gauche à droite et de haut en bas permet d'envisager une relation dans le temps entre les scènes. Ce procédé est encore très proche des procédés médiévaux de représentation.
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diachronie non séquentielle : 2 scènes consécutives dans le temps |
Maître
de la déposition de la croix de Figdor Ici, plusieurs scènes de la vie de Sainte Lucie sont représentées sur la même peinture. |
Tapisserie
La Vie de la Vierge de la cathédrale Notre-Dame de Bayeux - 1499
- pièce II (3 scènes représentées) : | Tapisserie
La Vie de saint Martin - entre 1517 et 1539 |
Au 16ème siècle : vision contemporaine, mais encore traditionnelle par la présence des mondes terrestre et céleste, par cohabitation en costumes d'époque chez Véronèse, par séparation nettement tranchée chez El Greco. Véronèse
- Le Martyre de saint Marc et de saint
Marcellien - 1565 ------------------------------- El
Greco - L' Enterrement du Comte d' Orgaz - 1586 - église
de Santo Tomé - Tolède " Il faut reprendre la montée dès le début. Un ange verdâtre perce le ciel, portant l'âme du comte à bout de bras. Cette forme de l'âme nous apparaît plutôt comme un embryon, une nouvelle gestation qui entre ou sort du corps. Cela produit quelque chose de comparable au percement d'un tunnel, où entre ou, peut-être, d'où se sécrète une nouvelle forme de vie, point de départ de l'accroissement de la tension dans la structure. Cette âme, cet état embryonnaire, hybride, qui sort d'une cavité, d'une vulve, porte-t-elle en elle une possibilité de renaissance ? Le
jeu d'opposition entre ombre et lumière, nous fait entrer dans un monde
dont les voûtes architecturales, les béances, créent une matérialité
de forme vulvaire. Les volumes de couleurs éteintes forment des draperies
au mouvement enveloppant, contenant des formes vivantes. Les nuages, étrangement
découpés, sont la manifestation de l'énergie qui est à
l'origine du mouvement et de la vie. Par ce retour à la vulve, est-ce que s'exprime le désir d'une nouvelle gestation, d'une renaissance dont les formes oniriques contiennent une destinée sexuelle broyée ? Est-ce que c'est l'interdit féminin, le retour à la matrice que cet état embryonnaire veut récupérer ? Est-ce qu'il y aurait là un système de signes à repérer, et comment se différencieraient-ils de l'uvre de ses maîtres ? " Adrienne Schizzano-Mandel, Le Greco : mystique ou énigme, p. 56. Dans Psychanalyse des arts de l'image, compte-rendu du colloque de Cerisy, dirigé par Henriette Bessis et Anne Clancier, éd. Clancier-Guénaud, 1981 http://www.culture-et-foi.com/coupsdecoeur/oeuvres_dart_2006_greco_1.htm
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partie YIN : le noir, le féminin, la lune, le sombre, le froid, le négatif... partie YANG : le blanc, le masculin, le soleil, la clarté, la chaleur, le positif... Le yin et le yang expriment certes deux dualités différentes mais sont issus du même principe, le Tai-Ki. |
La mort du Christ permet aux yeux des Chrétiens la Rédemption, le rachat de la "Faute" commise par Adam et Eve, au lieu même où Adam aurait été conçu et enterré. La Crucifixion est dans la partie Yin, la Rédemption est dans la partie Yang. L'arrivée du pèlerin, "nouvel homme", est saluée par le couple royal, leurs fils et la population sortie de la ville. Ce pèlerin, cet homme, s'est-il libéré ? "De ses illusions, de ses aveuglements et de ses ignorances." S'est-il libéré "de la source première de ceux-là même : le Moi. Se détourner de l'ego et s'en retourner vers le Tao." ? A-t-il suivi "ce chemin d'élargissement, d'ouverture et de transcendance. Cet élan vers ce qui me dépasse en me donnant sens et signification." (Marc Halévy, pp.91-93) Le taoïsme était-il connu en Europe au début du 16ème siècle ? "La route e la soie", le Livre des Merveilles de Marco Polo (1298) : c'est peu pour une connaissance approfondie du taoïsme. http://fr.wikipedia.org/wiki/Tao%C3%AFsme La mention la plus ancienne du taoïsme dans un texte occidental semble être une lettre adressée en espagnol de Shaoqing le 13 septembre 1584 par le père Matteo Ricci au collecteur d'impôts espagnol Giambattista Romàn alors à Macao.
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Le Taï-chi est représenté par le diagramme du cercle composé d'une " larme " yin et d'une " larme " yang. Chacune est marquée au centre par la présence de l'autre. Ainsi s'exprime la loi des équilibres perpétuellement mouvants des deux énergies. " Observons ce symbole ce mantra, diraient les hindous, ce rnandala, diraient les bouddhistes ou les tantristes Un cercle, d'abord, symbole du Tout, de l'unité. Ce cercle est Taï-yi, l'Un incarné, l'Un réel, l'ensemble de toute la houle à la surface de l'océan Tao, l'insondable... Au sein de ce cercle, deux surfaces de superficies rigoureusement égales : le blanc (l' " adret " lumineux souvent représenté en rouge est yang, le noir (l' "ubac" sombre souvent représenté en bleu) est yin. L'union des deux donne le Tout. On sait que la loi d'harmonie cosmique implique le maintien, même dans les formes les plus complexes, d'un équilibrage strict entre yin et yang : l'égalité stricte des deux superficies blanche et noire exprime cette loi. Les parties yin et yang ont toutes deux une forme de larme, de goutte. Pourquoi ? Pourquoi pas un demi-cercle chacune, limité par un diamètre bien tracé ? La réponse est qu'une telle figure " bien tranchée " exprimerait un face à face, une opposition, un conflit qui ne correspondrait en rien à la cosmologie taoïste. Le yin devient yang alors que le yang devient yin : la pointe finale d'une des " larmes " s'éteint dans le corps de l'autre larme suggérant ainsi un passage progressif de l'un à l'autre. Cette idée de mutation progressive, de progressivité dans la fusion est centrale. La pensée chinoise est dialectique, elle répugne à toute forme de dualité, au contraire de la pensée occidentale qui ne fonctionne presque que par dualismes et oppositions. L'Occident pense A contre B, là où l'Orient synthétise A avec B. Ce 'avec" est parfaitement symbolisé par le point blanc au centre de la larme noire et par le point noir au cur de la larme blanche. Le yin est dans le yang et le yang est dans le yin. Ils se transforment continuellement l'un dans l'autre. Dans une dynamique sans fin... Et si l'on regarde au plus près ces deux points, on y retrouvera probable ment un nouveau Taï-chi entier mais à une autre échelle. " Marc Halévy, Le taoïsme, Eyrolles, 2009, p.65 http://users.skynet.be/lotus/orien/china0-fr.htm
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Tapisserie 7
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Un cercle (un triple cercle) au centre de la tapisserie, comme aérien ; des demi-droites, par leurs pointes, indiquent une élévation, une ascension : nulle prison mais un repos, "là-haut", dans la figure la plus parfaite.
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L'artiste préfère l'impair
De
la musique avant toute chose, Paul Verlaine, Art poétique Helmut NICKEL, en 1984 Conservateur des Armes et Armures au Metropolitan Museum of Art de New York écrit : " In designing a set of tapestries an odd number would lend itself more naturally to a symmetrical arrangement than an even one." Soit : "Lors de la conception d'un ensemble de tapisseries, un nombre impair se prête plus naturellement à une disposition symétrique. " Ecartant
les deux tapisseries extrêmes, la première et la dernière,
de style millefleurs très différent des autres tapisseries centrales,
l'auteur compose la série ainsi : La licorne à la fontaine -
La licorne se défend - La licorne est apprivoisé par la jeune fille
- La licorne tente de s'échapper - La licorne est tuée et amenée
au château. Dans
une telle séquence, apparaissent :
une symétrie dans la disposition des principaux éléments
architecturaux : la fontaine de la première tapisserie, l'enclos de roses
de l'hortus conclusus dans la troisième, et le château dans la cinquième.
même les petits détails, tels que les bâtiments à l'arrière plan, sont ainsi placés symétriquement dans les coins supérieurs gauche des premier et second panneaux, et dans les coins supérieurs droit des quatrième et cinquième. Pour
Helmut Nickel, un artiste, travaillant sur ses croquis sur
papier, recherche avant tout une composition symétrique bien équilibrée,
sans se soucier des endroits où les tapisseries seront accrochées.
" Même dans leur état mutilé, les cinq tapisseries de
la " première série " de La Chasse à la licorne
donnent l'impression d'un tel équilibre. " Helmut
NICKEL, "About the Sequence of the Tapestries in The Hunt of the Unicorn
and The Lady with the Unicorn", Metropolitan Museum of Art Journal,
n° 17, 1984, pp. 9-14
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La perspective
Elle existe dans La Chasse, rendue par des procédés habituels : tapisserie 1 : le rapetissement des arbres (qui évoque l'enfilade des colonnes dans certaines Annonciations) et la taille moindre du chasseur en haut à droite Barthélemy
d'Eyck
tapisserie 2 : la petite taille du château et d'un coin de campagne en haut à gauche
tapisserie 3 : la petite taille du château et des arbres l'entourant en haut à droite. La taille des personnages va diminuant du premier plan (le pèlerin) au dernier.
tapisserie 4 : la petite taille du château et de la végétation tout autour en haut à gauche et l'extrême petitesse du Mont Saint-Michel presque au centre dans un fond bleu qui se veut " perspective atmosphérique " (par une diminution de l'intensité des couleurs d'un plan à l'autre : les fresques de Pompéi montrent qu'elle était utilisée dans l'Antiquité). Léonard
de Vinci - Portrait de Ginevra Benci - v. 1474 Dans les premières uvres de Léonard de Vinci, l'éloignement dans l'espace est rendu par un fond azuré (Madone Dreyfus, Portrait de Ginevra Benci). Puis par une dégradation des couleurs où les couleurs se mélangent (La Joconde). Plus tard, la théorie de "la perspective atmosphérique" sera énoncée qui caractérisera vraiment la peinture de Léonard de Vinci. De
même, la taille des personnages va diminuant, très insensiblement,
du premier plan (le pèlerin) au dernier. tapisserie 6 : taille réduite respectivement pour les deux châteaux situés à droite. Les quatre personnages de la tour brisent cet effet de perspective.
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Sens de "lecture"
Dans La Chasse à la licorne, les nombreux personnages s'approchent de près, se superposent, se touchent aussi. Il n'en est pas de même dans La Dame à la licorne où l'isolement des personnages s'impose au regard, comme dans un tableau religieux où la Vierge, les Saints se côtoient sans se toucher, un espace les séparant nettement.
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Remarquer les svastikas et le déplacement de droite à gauche des cavaliers et des chariots à roues pleines, à " contre-lecture occidentale " dans une région où l'on ignorait l'usage courant de l'écriture. http://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Medieval_tapestry |
De quelques croix ou autres schémas
croix latine ou croix de la passion (dite christique)
croix solaire, croix à roue avec quatre rayons ; symbole ancien (pré-chrétien) de lumière et de soleil (peuples asiatiques et germains) |
au sommet du mont Ernio Pyrénées |
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l'arbre mort ? |
Selon Pythagore, la lettre Y symbolise le bivium, quand, à l'heure du choix, le chemin de la vie se partage en deux branches. |
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Artémis (la Vierge) avec son fils dans son utérus, la Maîtresse des Animaux, vase de Béotie de 680 |
Poterie minoenne
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Petrus
Christus | Croix solaire, symbole ancien de lumière et de soleil |
Vierge à l'Enfant - Palazzo Vecchio - Florence
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L'album
de Villard de Honnecourt
Détails des planches 37 et 38
http://medieval.mrugala.net/Architecture/Villard%20de%20Honnecourt/
http://users.skynet.be/lotus/cross/cros0-fr.htm
pour les différentes croix : cliquer un peu partout
Les piques
Tapisserie 2 3 points
" remarquables " :
Tapisserie 3
5
points " remarquables " déterminés par la rencontre
de 3 lignes directionnelles des piques :
Tapisserie 4
3
points " remarquables " :
Tapisserie 6
1
point " remarquable " :
Tapisserie 2
-Toutes
les piques des chasseurs, la corne de la licorne et les bois du cerf sont orientés
vers l'extérieur
Tapisserie 3 - Seules
3 piques menacent très directement la licorne (Lucifer et ses auxiliaires
?)
Tapisserie 4 -
4 piques menacent la licorne
Tapisserie 6 Tapisserie 6 - 3 piques et
une épée convergent sur la licorne et la " crucifient "
Les piques On
ne peut être qu'impressionné par le " jeu " des armes de
chasse (piques et épées) que portent ou brandissent les chasseurs.
Bien sûr, il s'agit d'une chasse et la pique se tient pointe vers le haut
dans la marche ou l'attente et dirigée vers l'animal à tuer. Mais
ces piques ont un autre but dans la dynamique, la composition de chaque tapisserie.
Elles servent à fixer l'attention du regardant sur la surface de la tapisserie.
Et à guider son regard. Que
leurs directions contredisent le sens de la marche des chasseurs (des jambes,
des bras et des regards dans la tapisserie 1), qu'elles dessinent une couronne
(de gloire dans la tapisserie 2 ou de dérision dans la tapisserie 3) en
même temps qu'elles menacent la licorne cernée (tapisseries 3 et
4) avant de la mettre à mort (tapisserie 6), la multiplicité directionnelle
des piques sature l'espace, anime et solidifie la composition en désignant
un point toujours identique : le lieu où lutte puis meurt la licorne dont
la corne est, elle aussi, une lance en direction contraire. Cette corne demeurera
la seule " arme " de blancheur dans l'ultime tapisserie, dressée
vers le Ciel où trônera bientôt la licorne. La
concentration des piques convergeant vers le même point crée une
tension vive et ininterrompue. Les piques deviennent " personnages "
à part entière. Elles jouent, tout comme la corne de la licorne,
un rôle fondamental en permettant la continuité de la lecture à
la fois dans chacune des tapisseries et entre les diverses tapisseries. Dans la tapisserie 7, leur disparition signe l'épiphanie de la sérénité, la résurrection de la vie et de la paix, tant extérieure qu'intérieure. Leur absence signe la victoire sur le mécanisme mimétique et sa violence envers la victime émissaire. Le pèlerin, tout " enfoui " en lui-même, peut désormais lever la tête et sourire avec la licorne ressuscitée. Lui aussi possédait une pique, deux fois dirigée vers la licorne, car lui aussi " devait tuer le roi " pour qu'advienne " l'escarboucle ". |
Les personnages
La
position des personnages dans l'espace, leurs attitudes, les orientations de leurs
gestes, renforcent la concentration du regard au centre " événementiel
" de chaque tapisserie. Dans
La Dame à la Licorne, une symétrie bilatérale très
prononcée, quasi parfaite, des attitudes du lion et de la licorne, des
arbres, des lances aux armes Le Viste, voire parfois de la Dame et de sa Suivante,
structure chaque tapisserie. Dans La Chasse, une symétrie existe aussi mais plus diversifiée : symétrie bilatérale par rapport à l'axe central que constitue la fontaine (tapisserie 2) ou un arbre (tapisseries 3, 4 et 6) et symétrie inversée par rotation
- Dans la tapisserie 1 :
- Dans la tapisserie 2 : symétrie des personnages (6 de part et d'autre) et des animaux, de profil puis de face puis de profil à nouveau, pivotent en même temps que le regard, de gauche à droite, ou de droite à gauche. Les bras, les lances, les regards des chasseurs, s'inversent de chaque côté de la fontaine.
Tapisserie 2
- Dans la tapisserie 3 : Tapisserie 3
- Dans la tapisserie 4 :
Tapisserie 4
- Dans la tapisserie 5 :
Tapisserie 5
- Dans la tapisserie 6 :
Le " monstre à plusieurs têtes " ou le groupe " araignée " |
L'angle de la corne
Tapisseries 2 et 4 : angle de 28°
Symbolisme du nombre 28
Tapisserie 3 : angle de 12°
Symbolisme du nombre 12
-
18, c'est 2 fois 9, nombre hautement symbolique. Le 9 est bien le chiffre de la germination : sa forme stylisée est celle du germe ftus. - Dans la Bible, le chiffre 9 représente la plénitude spirituelle. 9 est la totalité des trois mondes (le ciel, la terre, les enfers). Trois étant le nombre novateur, son carré représente l'universalité. http://esotcelt.unblog.fr/symbolisme-et-chiffre-le-nombre-neuf-9/
Tapisserie 6 : horizontale et verticale
la corne de la licorne " sur le Golgotha " est quasiment horizontale,
dans la position d'un corps mort étendu dans son sépulcre Les
positions de deux cornes illustrent la mort et la résurrection du Christ
telles que les révèlent les Evangiles. En les anticipant, car la
licorne supérieure n'est pas encore " déposée de sa
croix et mise au tombeau " ; et la licorne inférieure n'est pas encore
" ressuscitée " où elle le sera dans la tapisserie suivante. Ces positions horizontale et verticale ont aussi une signification forte en Alchimie. Pour
l'hermétisme, l'ésotérisme, les lignes verticales horizontales
symbolisent respectivement les forces spirituelles et matérielles. En se
rejoignant, elles forment l'équerre, symbole de rectitude, d'exigence et
d'abnégation.
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