Jean PERRÉAL 1
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1- Son autoportrait présumé et sa signature acrostiche
Il avint ung jour que Nature
En disputant a ung souffleur,
Hardiment luy dist : " Creature,
A quoy laisse-tu fruict pour fleur ?
N'as-tu honte de ta folleur ?
Pour Dieu, laisse ta faulceté
Et regarde bien ton erreur.
Raison le veult et Verité :
Renge-toy a subtilité.
Entens bien mon livre et t'y fie :
Autrement, c'est ta pauvreté.
Laisse tout, prens philozophie.
D'aultre part, je te certiffie -
Et me croiz qui suis esperit -
Personne n'est qui verifie
Autre que moy l'avoir escript.
Rien n'est ne fut qui onc le veit :
Je l'ay fait pour toy qui le prens,
Si tu l'entens bien, tu apprens.
Unique miniature illustrant le long poème de 1 800 octosyllabes
écrit en 1516 par Jean Perréal et dédié à François Ier :
La Complainte de Nature à l'Alchimiste errant
Musée Marmottan, Paris - 18,1 x 13,4 cm
Ms 322044 feuillets XVIe siècle
(vers 1516 ; cf. le début du prologue, où l'auteur dit que c'est onze mois après la bataille de Marignan qu'il a trouvé l'original latin de son poème).
http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=BSGC11432
ou
http://liberfloridus.cines.fr/cgi-bin/affich_planche?Paris,_Bibl._Sainte-Genevieve/ms.%203220/1/0Appartint-il à l'organisation regroupant les hermétistes européens qui se reconnaissaient à l'aide de mots et de signes convenus, l'Association de la Communauté des Mages, créée en 1507 par Henri Cornelius Agrippa, médecin de Charles Quint, chevalier de la Milice d'Or et auteur de la De Occulta Philosophia ?
2- Ses " signatures " possibles dans La Chasse à la Licorne
(dates possibles de création : 1495-1505) (1499 : date importante car millénaire du baptême de Clovis par le saint évêque Remi, le 25 décembre 499 - l'Histoire, réelle et mythique, de la France est un des thèmes de La Chasse)
Pour mon 'cousin' et ami Howard Comeau, Jean Perréal a peut-être repris dans La Chasse les mises en scène de pièces théâtrales établies par Jean Fouquet*, peut-être pour illustrer chaque jour de l'année. Ces cartons " pédagogiques " ont pu être utilisés pour éduquer le futur roi Charles VIII (13 ans) et sa " promise ", Marguerite d'Autriche (3 ans). Mais les tapisseries des Cloisters sont postérieures aux dessins et aux mises en scène de Fouquet.
* Jean Fouquet : 1420 - 1478/81, l'écureuil de la tapisserie La Mort de la licorne. Le nom de famille Fouquet vient du patois des régions de l'ouest et signifiait écureuil.
Autoportrait de Jean Fouquet, 1450
François III, grand-père du ministre de Louis XIV, Nicolas Fouquet, dessina les armes de la famille : d'argent à l'écureuil rampant de gueules. François IV y ajouta la devise : Quo non ascendet ? (jusqu'où ne montera-t-il pas ?). Jean, notre peintre tourangeau, était-il un ancêtre de cette famille ?
le prénom et le nom
Plusieurs tapisseries portent le prénom et/ou le nom de leur créateur présumé. Ainsi de Jan van Roome (la tapisserie de la Rédemption au Metropolitan Museum de New York ; la tapisserie de la Glorification de Charles VIII aux Cloisters où le nom figure sur les chausses d'un jeune page), de Léonard Knoest (son nom figure sur la plateforme au centre de L'Invention de la Croix à Bruxelles).
Dans La Chasse à la licorne, au moins une inscription, lisible mais difficile à déchiffrer, laisse à penser que le peintre pouvait se prénommer Jean ou Johannes : sur le cor d'un gentilhomme dans le seconde tapisserie : peuvent se lire de droite à gauche les lettres JONES..AN..ON…E (de FECIT ?).
Que lire sur ce cor ? De quel corps est-il le nom ? Quel Verbe s'y révèle tout en y étant celé ?
Pourtant, l'œil droit de ce chien, lui aussi dissimulé, nous prévient d'être attentifs, de bien déchiffrer le message !
le rébus
Perro (chien en espagnol) + réal (appartenant au roi ou à la reine donc royal) = Perréal. Dans cette dernière tapisserie, en bas à droite, à l'endroit même où l'on peut signer un contrat, une lettre ou une uvre, l'artiste a dessiné un jeune homme de 13 ans environ. Il pourrait s'agir du 'dauphin'. Pour Howard Comeau, l'artiste présente à son mécène le fruit de son travail. Le jeune dauphin lui serre la main en signe de remerciement et de reconnaissance.
Ne voit-on pas des branches de laurier et de chêne 'couronnant' par le bas le 'perro réal' ? (Laurier, symbole du triomphe héroïque et de force éclatante signifiant que "l'or y est")
L'artiste qui vient d'achever son uvre, peut faire siens les mots du poète Horace :
"J'ai achevé un monument plus durable que l'airain - exegi monumentum aere perennius."
"Melpomène (muse du chant, de l'harmonie musicale et de la tragédie quand elle est associée à Dionysos), accepte cet hommage bien mérité (pour m'avoir inspiré) et couronne-moi avec le laurier de Delphes (d'Apollon) - Sume superbiam quaesitam meritis et mihi Delphica lauro cinge volens, Melpomene, comam."
Martial a consacré à Sæva Mémor, autre poète latin, une épigramme à mettre au bas de son portrait :
Clarus fronde Jovis, hoineni fama cothurni,
Spirat Apellea redditus arte Memor.
Ceint d'une couronne immortelle,
Honneur du cothurne romain,
Mémor respire en ce tableau fidèle
Qu'un Apelle moderne a tracé de sa main.Les mots clarus fronde Jovis font présumer que Mémor remporta la couronne de chêne, qui était alors un prix de poésie, et le distique entier permet de supposer que son portrait fut placé dans une bibliothèque publique.
http://www.cosmovisions.com/$Chene.htm
http://www.cosmovisions.com/$Laurier.htm
Exegi monumentum aere perennius
regalique situ pyramidum altius,
quod non imber edax, non Aquilo impotens
possit diruere aut innumerabilis
annorum series et fuga temporum.
Non omnis moriar multaque pars mei
vitabit Libitinam. Usque ego postera
crescam laude recens, dum Capitolium
scandet cum tacita virgine pontifex,
dicar, qua violens obstrepit Aufidus
et qua pauper aquae Daunus agrestium
regnavit populorum, ex humili potens,
princeps Aeolium carmen ad Italos
deduxisse modos. Sume superbiam
quaesitam meritis et mihi Delphica
lauro cinge volens, Melpomene, comam.
Horace, Odes III, 30
" Il serait lui-même dans le tableau, à la manière des peintres de la Renaissance qui se réservaient toujours une place minuscule [ ] mais une place apparemment inoffensive, comme si cela avait été fait comme ça, en passant, un peu par hasard [ ], comme si cela ne devait être qu'une signature pour initiés [ ]. À peine le peintre mort, cela deviendrait une anecdote qui se transmettrait de génération en génération [ ] jusqu'à ce que, un jour, on en redécouvre la preuve, grâce à des recoupements de fortune, ou en comparant le tableau avec des esquisses préparatoires retrouvées dans les greniers d'un musée [ ] et peut-être alors se rendrait-on compte de ce qu'il y avait toujours eu de particulier dans ce petit personnage [ ] quelque chose qui ressemblerait à de la compréhension, à une certaine douceur, à une joie peut-être teintée de nostalgie."
Georges Perec, La Vie mode d'emploi, Hachette, 1978, prix Médicis
le jeu de mots
Dans chacune de ces trois séquences, le peintre s'est " représenté " deux fois :
— Le pèlerin (portant le bourdon ; en deçà de la rivière, comme étranger aux scènes représentées) : Perréal Jehan = Perréali(ea)n (les lettres extrêmes du prénom Jehan qui s'écrivait iehan où le i se lisait j) = Perréalin, mot proche phonétiquement de pèlerin avec inversion des consonnes liquides [r] et [l]. Chacun d'entre nous est, comme pèlerin, toujours " à la quête ".
" L'artiste a cheminé longtemps ; il a erré par les voies fausses et les chemins douteux ; mais sa joie éclate enfin ! Le ruisseau d'eau vive coule à ses pieds ; il sourd, en bouillonnant, du vieux chêne creux… il regarde ondoyer la source limpide dont la vertu dissolvante et l'essence volatile lui sont attestées par un oiseau perché sur l'arbre… Mais quelle est cette Fontaine occulte ? " Fulcanelli, Le Mystère des Cathédrales et l'interprétation ésotérique des symboles hermétiques du grand œuvre, Fayard, 1925.
Ce pèlerin marchant pourrait être un surgeon de Perceval (celui qui 'perce le mystère du val' au fond duquel se cache le château du Graal) : celui qui traverse la vallée et le fleuve (perce - val), qui passe sur l'autre rive (le héros alchimique), qui passe le pont (le verbe grec perô signifie traverser) pour rejoindre le roi et la reine réunis, pour atteindre la vérité de l'au-delà, le mercure alchimique ou la pierre philosophale). Il porte trois costumes différents pour marquer qu'il est un homme nouveau après chaque étape.
Songeons à l'ouvrage Les Noces chymiques de Christian Rosencreutz en l'an 1459, de l'auteur Johann Valentin Andreae, paru en allemand en 1616 à Strasbourg, bien postérieur donc à nos tapisseries, qui présente des noces alchimiques et mystiques. Antoine Faivre (Accès à l'ésotérisme occidental, T.1, Gallimard, 1986 et 1996) en parle ainsi pages 202-203 : " Sous le voile éclairant du symbole, elles décrivent les processus de la montée de l'âme vers Dieu. On trouve presque à chaque page des références au Grand Œuvre spirituel. Ainsi, lors de la cinquième journées, les six bateaux commencent leur pèlerinage marin, qui rappelle l'Odyssée, ou encore Pantagruel en route pour les îles enchantées. C'est que l'eau, souvent symbole du Mercure, figure la dissolution ; nombreuses, dans les thèmes et les illustrations alchimiques, sont les représentations de bateaux voguant sur une mer agitée, ou d'îles entourées de fossés remplis d'eau qu'il s'agit de traverser comme tentent de le faire les adeptes des Noces […] Mais au-delà des représentations imagées, il y a les étapes, les processus, du pèlerinage de l'âme. Pèlerinage en effet, puisque l'adepte, qui sait où il veut aller, cherche à retrouver le lieu où l'âme s'unit à son Dieu […]
" L'ouvrage se présente sous la forme d'un septénaire qui figure assez distinctement les opérations traditionnelles du Grand Œuvre. L'action décrit ainsi en sept actes - les 'journées' - les sept paliers de la transmutation alchimique. Avant la réalisation finale, une épreuve particulièrement pénible attend l'adepte, qui doit assister à la décapitation des personnes royales. Mais ensuite apparaît le phénix, symbole de la résurrection ; son œuf est découpé par un diamant, son sang ressuscite le couple royal dont les noces conféreront à Christian le titre de Chevalier de la pierre d'or. Te1 est le but final du périple, l'ensemble des sept paliers représentant le pèlerinage lui-même. " Cette pérégrination dans Les Noces chymiques suit les phases successives bien connues de l'alchimiste : de la Nigredo à la Rubedo via l'Albedo.
Ce pèlerinage est un " voyage intérieur dont la description emprunte à l'alchimie traditionnelle sa structure et son symbolisme. Le livre nous invite à descendre en nous-mêmes en nous transformant. " (p.205)
Ce texte d'Antoine Faivre pourrait être dans ses grandes lignes la description de La Chasse à la licorne. C'est ainsi que je regarde la 'marche en avant' énergique de celui que je nomme 'le Pèlerin' dans le silence, la sérénité, la concentration et la détermination. Symboliquement, il côtoie bien des épreuves, rencontre la mort et parvient enfin devant la Reine et le Roi unis comme en des Noces.
Accompagné de son chien dressé, il est à rapproché d'une figure du Tarot : Le Mat (ou Le Fou), carte qui évolue librement dans la structure du Tarot, mais aussi en dehors de cette structure. En alchimie, Le Mat est le Mercure, la Matière Première ; et le Fou et le Sage, artisans de l'uvre comme le pèlerin, se confondent.
Le chien : le prénom d'Anne de Bretagne, ou peut-être celui d'Anne de France (Dame de Beaujeu, régente), possibles commanditaires de la tenture, se lit sur les colliers de certains chiens par les deux lettres extrêmes A-E. Chaque chien ainsi nommé peut être un perro - réal (soit Perréal). Seuls ces chiens qui côtoient notre pèlerin portent des colliers où peut se reconnaître une coquille Saint-Jacques, attribut du pèlerin.
De 1483 (première apparition de son nom, Jean de Paris, en Avril à Lyon) aux années 1491-1497, il est un peintre qui s'affirme et que l'on emploie dans les entourages royaux et princiers (Louis XI, cardinal Charles de Bourbon, la reine Charlotte de Savoie, la jeune Marguerite d'Autriche). Avec Charles VIII, il est nommé peintre de Cour en 1497. Il n'est encore que Jehan de Paris.
A son retour d'Italie fin 1499, il devient valet de chambre de la reine qui le prend sous sa protection. Et c'est alors, pensons-nous, que la reine Anne de Bretagne va le révéler à lui-même et lui indiquer la voie de l'artiste exceptionnel qu'il deviendra et qu'Howard et moi voulons 'ressusciter'.
L'étude attentive des tapisseries de La Chasse à la licorne le démontrera peut-être.
Dans la tapisserie 2 (La fontaine) : aucun chien ne porte les lettres 'A' et '3' de 'ANNE' ; le pèlerin n'est pas encore en marche, en quête, de ce côté-ci de la rivière (occupé par des animaux aux dents montrées qui représentent peut-être les ennemis de la France d'alors). L'artiste est certes célèbre, mais il ne s'est pas encore fait un nom
Dans la tapisserie 3 (La traversée de la rivière) : les lettres 'A' et '3' apparaissent sur certains colliers. A l'extrême gauche, un homme nous paraît détacher, libérer le chien dont le collier porte les deux lettres. Nous voulons y lire le message suivant : Anne de Bretagne (dont la corde au profil noué signifie peut-être la 'cordelière') encourage l'artiste à devenir chaque jour dans sa vie d'homme et de créateur 'le pèlerin de la Jérusalem Céleste'. En l'éduquant, elle lui trouve (peut-être) un nouveau nom : 'Perro Réal'. Baptême au seuil d'une nouvelle vie. Il part, accompagné de deux chiens libérés dont l'un porte un collier aux lettres 'A' et '3'.
Dans la tapisserie 4 (La licorne se défend) : l'artiste chemine, tout à sa quête intérieure, ne regardant pas les événements qui se déroulent de l'autre côté de la rivière et auxquels il ne participe pas. A l'extrême gauche, un chasseur souffle dans son cor : l'étui de son épée porte l'expression 'AVE REGINA C', invocation à la Vierge Marie, Reine des Cieux. Le collier du chien juste devant lui, au même niveau de lecture horizontale, porte l'inscription que Margaret Freeman lit ainsi : 'OFANCRERE'. Nous la déchiffrons ainsi : 'Ô FRANCORUM REGINA', adresse à Anne de Bretagne, reine de France, revêtant ainsi la reine d'une gloire divine.
Dans la tapisserie 5 (tronquée) : nous ne saurons jamais où se trouvait notre pèlerin, mais ne doutons pas de sa présence.
Dans la tapisserie 6 (La mort de la licorne) : l'artiste semble parvenu au terme de sa quête intérieure, de son Grand uvre ; en tout cas de son uvre picturale. Il est face à la reine et au roi accolés et il est aussi ce chien que le dauphin remercie et salue.
La légende prétend que sous la corne de la licorne se trouve une pierre précieuse, l'escarboucle.
La pierre réale = la Pierre Philosophale
Le mystère de la corne, essence de la licorne, a été assimilé par les alchimistes, aux propriétés générales de leur Pierre qu'ils nomment "escarboucle".
La "pierre royale" peut se lire Perréal, alchimiste à ses heures. La Licorne morte a la corne coupée et sa pierre recueillie se veut la signature "alchimique" du peintre Perréal.
Peut-on la voir au pommeau de l'épée du pèlerin et à celui du dauphin, cadeau de l'artiste ?
L'escarboucle (du latin carbunculus = petit charbon, sous-entendu charbon ardent, rougeoyant) est l'ancien nom du rubis.
Selon les légendes médiévales, l'escarboucle serait la pierre portée au milieu du front par les dragons et les vouivres.
En héraldique, les rais d'escarboucle représentent le rayonnement de cette pierre incandescente qui aurait peut-être, dans un temps très lointain, occupée le centre des boucliers, umbo, l'ombilic. (par exemple : les armes du roi de Navarre, De gueules, aux rais d'escarboucle d'or)
- Symbolisme chrétien du chiffre 8 :
8 est en tout premier lieu la totalité de l'homme ( sept + Un ). Le Christ manifeste cette symbolique quand Dieu le Fils ( " 2 " ) assume son humanité en Jésus ( " 2 x 4 " ). http://catholiquedu.free.fr/code_secret/alefbetlettre8rhet.htm
3- Ses trois "signatures" possibles dans La Dame à la licorne
"Car il y a toujours un chien, au coin des bonnes peintures, apposé comme un seing."
Sandrine Willems, La Dame et la Licorne, Les Impressions nouvelles, 2001.
le rébus
Perro + réal = Perréal
(regardons le regard quasi amoureux du chien du Goût levé vers Mary et l'œil voilé d'un poil-larme de celui du Toucher (La Tente) qui nous fixe à l'instant du départ de Mary de Calais pour l'Angleterre). Par sa présence redoublée aux pieds de Mary, ce chien exprime sa fidélité à cette reine éphémère car non faite mère par Louis XII.
Le chien, l'animal le plus domestiqué par l'être humain et qui s'est le plus adapté à cette domestication, est aussi un animal psychopompe. Ses avatars sont Anubis, le dieu à tête de chacal des Egyptiens présidant à l'embaumement qui rend le défunt immortel ; Cerbère, le chien à trois têtes de la mythologie grecque ; le chien enterré auprès de son maître et de son cheval ou les deux chiens ensevelis près de la mère et de son enfant tous deux morts au cours de l'accouchement, dans l'ancienne société mongole. Ce " perro " que choisit Jehan de Paris pour s'identifier réellement rappelle cette " petrus christus " ou " pierre christique " soit Jésus Christ dont l'une des fonctions est d'être gardien des âmes qu'un peintre flamand du XVe siècle s'est attribué selon moi.
Ce " perro "serait aussi trace d'un sentiment religieux fort tout à fait compréhensible à cette époque.
L'abréviation
En paléographie, un P dont la barre descendante est croisée par un trait horizontal se lit « per ». C’est bien cette figure que l’artiste représente en fin d’inscription. Il signe ainsi ouvertement son œuvre, au fronton de la tente de la dernière tapisserie des Cinq Sens, à l'extrême droite de la "devise". Aux yeux de toutes et de tous, sans que personne s’en aperçoive.
La présence proche d'une reine-douairère et d'une couronne royale permet-elle d'écrire le rébus : Per + réal = Perréal ?
Ensemble de signes diacritiques sous (barre) et sur (tilde) certaines lettres : a, d, e, o, p, q, u.
p avec le pied barré : pour les syllabes « par » (parfaire) et « per » (perpetuelle)
Compte-rendu du Camp du Drap d’or de juin 1520
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b7300170m
Deux kilomètres plus loin, nous avons atteint le sanctuaire où les chercheurs de sel hopi taillent leurs emblèmes de clan dans les rochers. Génération sur génération, nos ancêtres avaient été chercher le sel et il y avait centaines d'emblèmes de clan, taillés dans la base rocheuse du sanctuaire. Chaque voyageur, à chaque voyage successif, avait taillé un autre symbole à la gauche du précédent. Mon père avait taillé onze dunes de sable au cours de sa vie et Talasvuyauoma avait taillé dix têtes de coyote. J'ai choisi une surface lisse, tout près et j'ai taillé mon symbole du Soleil, en y ajoutant mes initiales, mais cela, je l'ai tenu secret, de peur que mes compagnons s'y opposent (parce que c'était moderne).
Don C. Talayesva, Soleil hopi, Plon, 1959, p. 253.
Jehan Marot, tête nue, un genou à terre, remet son exemplaire
du Voyage de Gennes à Anne de Bretagne.
Ce " perro-réal ", je ne vois plus que lui, au centre de l'espace vide et carrelé, en pleine lumière, face à la lumière, tournant le dos à toute la scène, à sa reine et ses dames et demoiselles d'honneur, aux hommes présents chargés d'offices. Sagement assis sur un carreau noir. Chien et son ombre oblique, signature et son arabesque caudale. Comment, en ce début de siècle seizième, signer autrement cette enluminure (que les critiques donnent soit à Jean Perréal, soit à Jean Bourdichon) qui introduit la Relation en vers meslés de prose, dediée à la reine Anne de Bretaigne, de la magnanine victoire du roy treschrestien Louis XIIe, par luy obtenue en l'an mil cinq cens et sept, au moys de may, contre les Genevoys ses rebelles… ainsy que je l'ay continuellement veu suyvant son exercice, tant à l'exploict que apres jusques à son retour, par Jehan Desmarets. Pour le dire plus simplement, Le Voyage de Gênes par Jean Marot, que son fils Clément édita pour la première fois en 1532.
Sophie Cassagnes-Brouquet, dans son très beau livre Un manuscrit d'Anne de Bretagne, Les Vies des femmes célèbres d'Antoine Dufour de 1504, enluminé par Jean Pichore en 1506 (Editions Ouest-France, 2007) le donne à Jean Bourdichon, que rejoindront en 1508 les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (selon un document donné à "Bloys le XIII jour de mars, l'an de grâce mil cinq cens et sept") et les Epîtres des poètes royaux en 1510.
Vais-je, allez-vous me rétorquer à juste titre, attribuer toutes les œuvres " à chien " à Jean Perréal ? Vous avez raison, prudence !
Jean Perréal était lui aussi dans les fourgons de l'expédition punitive. Des scènes de bataille qu'il était, est-il écrit, expert à représenter, il en fut le témoin oculaire. Ainsi, peut-être, celle-ci que Jean Marot, dont l'esprit patriotique se gauchit parfois d'une teinte partisane, rapporte en chroniqueur attentif et précis :
Cincq jours après le roy se mist aux champs,
Vint à Millan, où il fist son entrée.
Les Millannoys, tant nobles que marchans,
Au devant vindrent en triumphe marchans…
Près de la porte y avoit une hystoire
Décorée de riches personnages,
Qui demonstroit de Genes la victoire
Et aultres dont je lesse le memoire,
Craignant estre prolix en mes langages.
Jean Marot, Le Voyage de Gênes
Ainsi vestu, luysant comme cristal,
Sur ung courcier blanc caparassonné,
Entre à Millan ; lors sembloit Hannibal
Ou Alexandre estant sur Bucifal,
En son trumphe eureux et fortuné
Jean Marot, Le Voyage de Venise
Jean Bourdichon, L'Entrée de Louis XII à Gênes, Illustration du Voyage de Gênes de Jean Marot, BnF, Ms. fr. 5091, f° 22 v°
S'y lit un écho tardif des chansons des gestes, de la poésie épique et chevaleresque du Moyen Âge, que La Dame reprend, elle aussi, à sa façon.
Est-ce lui que l'on a dépêché à Milan, avant l'arrivée de Louis XII pour y préparer une " entrée " ?
Nicole Hochner, "Le Trône vacant du roi Louis XII. Significations politiques de la mise en scène royale en Milanais", dans P. Contamine, J. Guillaume (éd.), Louis XII en Milanais. XLIe colloque international d'études humanistes, 30 juin-3 juillet 1998, Paris, Champion, 2003, pp. 227-244. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er mai 2008.
http://cour-de-france.fr/squelettes-dist/art/HochnerTroneVacant.pdf
Jean Bourdichon, Illustration du Voyage de Gênes de Jean Marot, BnF, Ms. fr. 5091, f° 15 v°
Lors de l'expédition de Gênes en 1507, Louis XII abandonna l'emblème du porc-épic pour une ruche et des abeilles, avec la sentence : "Non utitur aculeo rex cui paremus" (le roi auquel nous obéissons n'a pas besoin d'aiguillon). Symbole de clémence et de consensus.
Le propre jour, Loys Douziesme Roy,
Du plus matin, fist marcher son charroy,
Partout prevoit, mect ordre en son affaire,
Comme celluy qui telz actes scet faire.
Avant-garde, bataille, ariere-garde
Il revisite et de tout se prent garde.
Parmy l'ost faict crier que nul vivant
Soit si hardy de marcher en avant
Avec le train de son artillerie,
Touchant le faict de sa gendarmerie,
Conseille, enhorte et tel ordre leur baille
Qu'oncques Cesar ne fist mieulx en Thessalle.
Apres avoir, ainsi que ung Charlemaigne,
Revisité l'excercite qu'il maine,
Fiffres, tabours, trompes, cors et clerons
A faict sonner. Lors, grans coups d'esperons
Donnent de hait chevaliers et vassaulx,
Qu'ilz n'actendoient fors les mortelz assaulx.
Pouldres volloient, pannunceaulx et enseignes
Luysent au vent par vaulx et par montaignes.
Aventuriers Gascons, Normans, Picars,
Garnis de traitz, picques, voulges et dars,
Marchent avant et leur tarde beaucoup
Qu'ilz n'y sont ja pour mieulx faire leur coup.
En ordre tel, tel triumphe et honneur
Marchoit le champ du souverain Seigneur.
Par tous moyens cherchent de rencontrer
Venitiens pour sa vertu monstrer.
Jean Marot, Le Voyage de Venise
Jean de Paris, Peintre et valet de chambre des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier, Documents sur les travaux de cet artiste pour la ville de Lyon (1483-1525). Extraits des Archives communales de la ville de Lyon, et annotés par M. F. ROLLE, archiviste adjoint du département du Rhône. Dans Archives de l'Art français. Recueil de documents inédits relatifs à l'Histoire des Arts en France publié sous la direction de M. Anatole de Montaiglon, Paris, 1861.
http://warburg.sas.ac.uk/pdf/cbh10b2898650M.pdf (p. 15-142 + p. 470-473)
Et si le faucon zénithal était un faucon pèlerin et que je persistais à utiliser " le langage des oiseaux " : l'oiseau ne pourrait-il pas être notre artiste lui-même, grand " chasseur " de proies féminines : une pie, des héronnes, une faisane, une perdrix…?
Mon ami étatsunien, le génial Howard Comeau, ne m'en voudra pas si je révèle ici une de ses découvertes : notre peintre a-t-il voulu rendre hommage à Léonard de Vinci dans la tapisserie La Fontaine de La Chasse à la licorne (dont il est aussi, pensons-nous tous deux, l'auteur) dans un rébus : Léo + nardo (le nard est peut-être, parmi des œillets, cette plante aux feuilles pointues dont est entouré le lion, 'figure de bord' en bas à gauche) accompagné de La Joconde sous les traits impassibles de la lionne sagement assise et nous regardant ?
Et, situé juste derrière ce lion, ne serait-ce pas Jean Perréal lui-même ce chien dont le regard semble vouloir lire dans la pensée même du maître italien ou bien encore participer à son regard à la recherche de la vérité ?
A l'imitation de 'l'élève enseigné' (en symétrie par rapport à la fontaine, en haut à droite) dont le regard suit la même direction que celui du 'maître enseignant' au doigt levé juste devant lui.
Ce qui va peut-être obliger à revoir la date de création (1503 pour La Joconde) de l'une ou l'autre de ces deux œuvres d'art.
Faut-il reconnaître (outre Mona Lisa) dans la lionne qui se tient coite près du lion, le sieur Legonissa (nom à rapprocher du féminin leonesse que le dictionnaire Littré signale dans le vers 521 de la Vie de saint Auban du 13è siècle :
" Plus est chescuns esmuz ke n'est, quant est bersée [frappée d'un trait] Leonesse, u saerpent quant el se sent blescée. "
Dans son traité Opus christianissimum seu Davidicum (BN, ms. lat. 5971 A) offert à Charles VIII, tout en soulignant les origines divines de la fleur de lys, le frère mendiant italien, Giovanni Angelo Terzone de Legonissa, établissait la descendance directe des rois de France avec les patriarches bibliques d'Israël, plus particulièrement avec David.
Ce texte au ton eschatologique assimilait ainsi la France au nouveau royaume élu de Dieu. Charles VIII pouvait donc revendiquer la totalité de l'héritage davidique y compris la Terre Sainte et le royaume de Naples. Legonissa le désignait pour porter la couronne spirituelle et temporelle, reformer l'Eglise puis délivrer Jérusalem et Constantinople des Infidèles. Dès lors, son règne serait universel et l'amènerait à dominer les trois parties du monde.
Menacé de l'oubli, Jean Perréal renaîtrait-il de ses cendres ? A-t-il échappé à ce que Giorgio Vasari nommait oblivione, l'oubli, fils de la voracità del tempo, qui l'obligea à écrire et faire paraître en 1550 Les Vies ?
" Car la voracité du temps est évidente : non content d'avoir rongé les œuvres mêmes et les témoignages honorifiques d'un grand nombre d'artistes, il a effacé et éteint les noms de tous ceux dont le souvenir avait été préservé par autre chose que la piété impérissable des écrivains. … J'ai constaté que des noms des nombreux architectes, sculpteurs et peintres anciens et modernes, avec quantité de leurs chefs-d'œuvre, sont en diverses régions d'Italie voués à l'oubli, et s'évanouissent peu à peu, condamnés à une sorte de mort prochaine. "
Il aurait fallu pour la France un Vasari qui sauvât la " trace " de tous les artistes contemporains de nos tapisseries.
" Cette situation nous désarme. Elle nous contraint, soit à nous taire sur un aspect pourtant essentiel des images de l'art, par peur de dire quelque chose qui serait invérifiable (et c'est ainsi que l'historien s'oblige souvent à ne dire que de très vérifiables banalités), soit à imaginer et à prendre le risque, en dernier recours, de l'invérifiable. " Georges Didi-Huberman, Devant l'image, Editions de Minuit, 1990
D'Élie Faure, au sujet des peintures (portraits peints) au XVe siècle :
" Elles sont souvent anonymes encore, comme si la France tentait de résister le plus longtemps possible à l'individualisme tentateur que lui enseigne l'Italie. Belles mains calmement posées, visages amusés, tendres yeux, bouches malicieuses, les vieux imagiers et les vieux conteurs psychologues se prolongent là dedans, comme ils se retrouveront à travers les moralistes jusqu'aux nouvelles de Voltaire.
C'est à coup sûr, par l'ingénuité, la malice et la pénétration mêlées, le plus haut moment du portrait français, qui est le premier entre tous par la valeur psychologique et qui présente, en ces deux siècles de souffrance, d'attention et de conquête, de Malouel à Lagneau, avec Fouquet, Colin d'Amiens, les Avignonnais. Perréal, les Clouet, Corneille de Lyon, dix inconnus, une continuité sans défaillance.
Mais dans le flot montant de l'italianisme, ce sont des voix perdues pour le contemporain. Le maître de Moulins, qui s'appelait peut-être Jean Perréal, cache dans ses tableaux d'église ses fines figures françaises, ses purs visages d'enfants, une magnifique douceur qui s'épanche avec discrétion comme si elle craignait de froisser les goûts de cour et les modes nouvelles.
Quant aux Clouet, ils ont beau détenir le privilège presque exclusif de reproduire les traits des rois, des reines, des princes, des grands vassaux, leur importance, au fond, est mince à la Cour des derniers Valois. "
(Histoire de l'art, l'art renaissant, Denoël, 1976, pp.296-7)
4- Hypothèse :
" La fonction première du nom propre est sexuelle ; il sert à symboliser le phallus : le garçon qui prend le nom de son père peut prétendre posséder la puissance phallique au même titre que lui. "
Gérard Pommier, L'Ordre sexuel, Aubier, 1989
" Etre mort, signifie au moins ceci qu'aucun maléfice ou bénéfice, calculé ou non, ne revient plus au porteur du nom mais seulement au nom, en quoi le nom, qui n'est pas le porteur, est toujours a priori un nom de mort. Ce qui revient au nom ne revient jamais à du vivant, rien ne revient à du vivant. "
Jacques Derrida, Otobiographies. L'enseignement de Nietzsche et la politique du nom propre, 1984, Paris, Galilée, p. 44
Dans un long poème vantant son employeur Federigo da Montefeltro, duc d'Urbino, Giovanni Santi, le père de Raphaël, liste les grands maîtres de la peinture de son époque :
Nela cui arte splendida e gentile
Net secul nostro tanti chiar son stati
Che ciescuno altro far paren pon vile.
A Brugia fu fra gli altri piú lodati
El gran Joannes : el discepul Rugiero
Cum tanti d'excellentia chiar dotati…
Dans cet art splendide et noble,
Ils sont si nombreux, à notre siècle, à s'être rendus célèbres,
Que toute autre époque en paraît stérile.
A Bruges, les plus loués furent
Le grand Jan et son élève Rogier,
Ainsi que de nombreux autres, doués d'excellence…
Il est à remarquer que les deux peintres brugeois — Jan Van Eyck et Rogier de la Pasture ou Rogier van der Weyden — ne sont désignés que par leurs prénoms. Soit Joannes de Brugia et Rugiero de Brugia. Pourquoi pas Jehan de Paris ?
Résumons, en nous emparant de la problématique derridienne, celle de la signature et du nom propre. Le nom caché, tu, oblitéré, non pas nié ou tué, mais dissimulé selon l'usage de ce temps. Le nom inventé, sur le tas, sur le tard. Le nom fragmenté de diverses manières ludiques, comme le fait un jeune chien de son corps et de sa voix jouant libre dans l'espace. Le nom chosifié et énigmatique que cèle et révèle tout à la fois le rébus, ou la barre de l'écriture sténographique ancienne. Le nom animalisé, à l'égal de celui de l'ami des hommes, des Grands et des sujets. Le nom du chasseur de gibier. Le nom du marcheur vers son destin d'Homme. Un nom par lequel il veut s'apparenter au Plus Grand, Dieu, via son lieutenant sur terre, le Roi. " Dieu est le nom, le meilleur, pour cette dernière instance et cette ultime signature. " Toujours Jacques Derrida, page 27. Le nom enfin qui ne sera lu et prononcé qu'après la mort de celui qui le créa et le porta, l'artiste. Jehan Perréal de Paris.
— " Perréal porta toujours le sobriquet de Jean de Paris, un sobriquet qui court les rues à la fin du XVe siècle. " René de Maulde de la Clavière
— Le sceau de Jean Perréal, plaqué sur papier et cire rouge, porte l'empreinte d'une petite intaille antique, ovale, à figure nue.
— Pierre Pradel distingue deux "Jehan de Paris". Il différencie "le peintre Jean de Paris installé à Lyon — qui un jour arborera le nom de Perréal — du Jean de Paris, fourrier de Pierre de Beaujeu..." (p. 134) "Ce n'est pas le même homme qui, à quelques années de distance, put émettre les deux signatures. Nous avons d'une part l'officier des Beaujeu signant D Paris avec un J traversant le D ; et, d'autre part, l'authentique griffe de Perréal dont l'initiale est un véritable entrelacs, où l'on peut retrouver les trois lettres J D et P ; de plus le dessin des lettres " aris " n'est pas le même ici et là ; enfin,la première signature est encadrée et soulignée de paraphes graciles et nerveux, tandis que les documents lyonnais présentent un tracé gras, étudié, sans bavures, bref une authentique signature de décorateur, suivie, comme pour accuser son caractère artistique, de la combinaison savante des trois cercles. " (p. 135)
(Pierre Pradel, "Les autographes de Jean Perréal", Bibliothèque de l'école des chartes,1963, tome 121, p. 132-186.)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1963_num_121_1_449654
Signature de Jehan de Paris
fourrier de Pierre de Beaujeu - 1487
BnF, ms. fr. 20 490, fol. 61Un J traverse le D de De
Lettre de Jehan de Paris / Jean Perréal
à François de Gonzague
1489 - Archivio di Stato - Mantoue
Signature de Jehan de Paris / Jean Perréal - 1490
Archives municipales de Lyon,
CC511, n° 49
Un J traverse le P de Paris
" La signature est d'écriture nette, élégante, d'expression ferme et volontaire, sans pleins ni traits, tout unie ; une signature d'aristocrate et de lettré. " (René de Maulde de la Clavière (1848-1902), Jean Perréal dit Jean de Paris, peintre de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, Paris, E. Leroux, 1896, p. 9)
"La plus ancienne signature de l'artiste que nous connaissions est conservée aux Archives municipales de Lyon, au bas d'une quittance de travaux relatifs à l'entrée de Charles VIII dans la ville, datée du 23 février 1490. La mise en scène lui a été confiée avec l'aide d'une quinzaine d'artistes dont Jean Prévost (peintre verrier), Jean de Saint-Priest (sculpteur), Simon de Phares (astrologue). Dans le libellé, Jean de Paris s'intitule « peintre de Lion » ; sa signature est suivie d'une combinaison graphique assez adroite faite de trois anneaux entrelacés. Signature et dessin se retrouvent dans le même fonds, au terme d'un compte du 26 avril suivant relatif au même événement et sur une quittance du 4 février 1493 donnée par « Jean de Paris peintre habitant de Lyon », pour l'aménagement décoratif de l'entrée du pont de Saône." (Pierre Pradel, "Les autographes de Jean Perréal", p. 133)
En 1494, Léonard de Vinci l'appelle Gian di Paris. Le 22 septembre 1495, Charles VIII aux échevins de Lyon : " Nous voulons et mendons que Jehan Perreal, notre valet de chambre que bien cognoissez, doyt être franc, quitte et exempt de toutes tailles et subsides. "
(Etienne Bancel, Jehan Perréal dit Jehan de Paris, peintre et valet de chambre des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier : Recherches sur sa vie et son uvre, Paris, H. Launette, 1885.)
http://www.archive.org/stream/jehanperralditj00bancgoog/jehanperralditj00bancgoog_djvu.txt
Le 1er octobre 1498, Charles VIII décide : " A Jehan de Paris, valet de chambre et peintre ordinaire du roi, la somme de 240 livres tournois à luy ordonné pour icelluy seigneur par son estat dont cy devant est faicte mention. "
En 1503, Jean Lemaire de Belges le nomme Jehan de Paris.
Dans une lettre adressée à Marguerite d'Autriche, datée de Lyon, le 9 Novembre 1509, tout au début de l'affaire de Brou, Perréal signe, ainsi que dans les six lettres suivantes, " De vostre tres humble et tres obeissant serviteur, Jehan Perréal de Paris, paintre du Roy " et non plus comme avant " Jean de Paris " ou " Jehan de Paris ". Pierre Pradel signale dans son étude Les autographes de Jean Perréal (in Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1963, tome 121, pp. 132-186) : " C'est d'ailleurs, à notre connaissance, au cours de cette période 1509-1511 qu'apparaît dans les textes le patronyme de l'artiste. " Et dans une note en bas de la page 147, il ajoute : " Notamment dans les écrits de Lemaire de Belges : " vir præclarus Johannes Perrealis cubicularius regius " (lettre à Corneille Agrippa, datée de Dôle, 1509) ; " maistre Jean de Perréal de Paris " (Légende énitiens, même date).
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1963_num_121_1_449654 Dans ses lettres à Marguerite d'Autriche, Jean Perréal se donne deux noms :
Le 1er décembre 1511. " A Lyon ce premier jour de décembre. De vostre très humble et obéissent serviteur, Jehan Perréal de Paris, vostre paintre."
Le 17 octobre 1512. " A Bloy, ce xvne d'octobre. De vostre très humble et très obéissent serviteur, Jehan de Paris, p[aintre] d[e] M[a]d[ame]. "
Mais " Jehan Perréal de Paris " revient le plus souvent.
En 1529 : " Deu par la vefve du contrerolleur Jehan de Paris, pour la rançon du roi François 1er, VIII livres VI sols VIII deniers. " (Archives du Rhône)
-----------------------------------------------Un peintre nommé Jehan de Paris ne peut-il pas s'être créé un nom qui le singularise et l'immortalise ? Création à partir de cette "signature canine et hispanisante". A l'image d'un Petrus Christus qui, chaque fois qu'il signait ses uvres de son nom (qui sent le 'fabriqué') écrivait cette phrase : 'le Christ est la Pierre Philosophale' ! (il y aurait certainement à lire certains de ses tableaux dans cette optique-là).
Pour lire la partie de ce site consacrée à Petrus Christus : cliquer sur ce lien
Ou de Lucas Cranach l'Ancien : né à Kronach vers 1472, il s'appelait en réalité Lucas Sunder ou Müller et il prendra le nom de sa ville natale plus tard. Il a probablement fait son apprentissage dans l'atelier de son père ; mais sa formation ultérieure nous est inconnue et on ne sait pas où il a voyagé jusqu'en 1500 où il est à Vienne. Le même parcours est possible pour Jean Perréal.
Le peintre Lucas Krug ou Kruger du 15ème siècle est connu sous le nom de Maître à la cruche car il signait ses uvres par le dessin d'une cruche (Krug en allemand).
Zuberlin, un peintre du 16ème siècle, signait ses uvres de son monogramme suivi d'une cuve (Zuber ou Zuberline en allemand). Campanella pouvait laisser son nom dans une petite cloche (campanella en italien).
Une formule maçonnique : " répandre la lumière et rassembler ce qui est épars " comme le fait La Chasse à la licorne encyclopédique c'est " retrouver la Parole Perdue " qui est " n'est autre, pour les adeptes, que le véritable nom du " Grand Architecte de l'Univers ". Jean Père-Réal ou Pierre-Réale, Petrus Christus.
Il me semble que Jehan de Paris n'a pas créé son nouveau nom (Perréal) avec une intention sacrée : magique ou religieuse (le baptême chrétien rappelle comment opéraient les Antiques en sollicitant l'accord des dieux pour l'octroi du nom dans un souci de réincarnation). S'il n'est pas 'parental' (sauf si Jehan de Paris est fils caché d'une reine ou d'un roi), ce choix est certainement affectif ("j'aime et j'admire mon souverain, je lui suis reconnaissant de ses bienfaits à mon égard"), voire tout simplement qualificatif ("je suis le peintre du roi, son compagnon le plus fidèle").
Laisser trace de son identité sous le couvert d'un rébus est un procédé, voire un caprice, d'artiste (sculpteur, peintre, graveur ), d'écrivain, d'éditeur.
A quel âge Erasme, lui le bâtard, d'abord appelé Gérard fils de Gérard (Geert Geerts, en hollandais), a-t-il choisi pour nom, selon la mode alors régnante, le pseudonyme gréco-latin de "Desiderius Erasmus Roterodamus" ("le désiré très aimé") ? A 17 ans !
Dans L'Europe de la Renaissance, l'âge de l'humanisme (Éditions des Deux-mondes, 1963), André Chastel et Robert Klein écrivent : " Dans la République des lettres, il y a beaucoup de comédie : dès les premiers pas, on dépose (= on quitte son nom) son identité et prend un nom latin ou grec, comme des personnages de théâtre. On traduit Schwarzerd en Melanchton, Reuchlin (petite fumée) en Capnio, Visagier en Vulteius ; l 'Allemagne se peuple de Holzmann-Xylander et autres faux Grecs ; des Italiens nommés Giovanni ou Pietro, non contents de Johannes et Petrus, choisissent Jovianus, qui évoque Jupiter, et Pierius, qui fait songer à la Piérie, ou bien ils se donnent des noms de fantaisie, comme Actius Syncerus (Sannazaro) et Pomponius Laetus ".
Sans compter l'engouement " renaissant " pour les hiéroglyphes, le dessin qui signifie. Notre perro en est un. Et plusieurs " hiéroglyphes " font un rébus : perro - réal Léonard de Vinci s'amusait beaucoup avec ça ! Le nom de Thomas More était représenté par une mûre ou un mûrier (morus en latin) ou un fou (môros en grec).
Qu'a fait d'autre Pablo Picasso en prenant le nom de sa mère ? Dans un entretien, Henri Matisse signale que certains peintres asiatiques ont changé plusieurs fois de nom au cours de leur vie quand ils changeaient de style. Les noms des " simples " gens (comme leur orthographe) n'étaient pas encore fixés à cette époque, fin de Moyen Âge, début Renaissance.Voici un texte du Comte Paul Durrieu, extrait d'une étude " Livre d'Heures peint par Jean Foucquet le 45ème feuillet de ce manuscrit retrouvé en Angleterre " paru en 1923 : " Dans plusieurs de mes publications antérieures, je suis revenu à diverses reprises sur ce fait, attesté par des documents d'archives, que, en France, au 14ème et au 15ème siècles, les artistes qui parvenaient à la notoriété, peintres et enlumineurs de manuscrits, avaient auprès d'eux, pour les seconder, des auxiliaires et des élèves, des " varlets ", des " apprentis " disait-on en français, des " famuli " écrivait-on en latin. Un miniaturiste en vue ne se bornait pas à travailler de sa propre main ; c'était encore un chef d'atelier dirigeant de haut une besogne dont il laissait une partie plus ou moins importante à ses aides, opérait sous son inspiration. J'ai comparé le cas de ces artistes chefs d'atelier à celui d'un Raphaël au 16ème siècle, d'un Rubens au 17ème siècle. Eux aussi étaient entourés d'un cortège d'élèves et de collaborateurs et dans la série des créations auxquelles on attache leurs noms glorieux, les " Loges " du Vatican pour Raphaël, la " Galerie de Marie de Médicis " autrefois au Luxembourg, aujourd'hui au Musée du Louvre, pour Rubens, il y a bien des parties auxquelles ni Raphaël ni Rubens n'ont pas touché personnellement de leurs propres pinceaux.
Jean Foucquet a très certainement suivi l'habitude de son temps et qui devait se perpétuer plus tard. Dans les manuscrits auxquels il a prêté son concours, on rencontre, à côté de pages d'un ordre tout à fait supérieur, des morceaux moins bien réussis, moins soignés, d'un faire plus lâché. Ce sont évidemment de simples productions d'atelier
Tout en reconnaissant que ces productions d'atelier n'ont qu'une valeur relativement secondaire, par rapport aux purs originaux, il convient malgré tout de ne pas les distraire de l'ensemble de l'uvre du maître, de la même façon que nous continuons à faire toujours honneur à Raphaël des " Loges " du Vatican et à Rubens de la totalité de la " Galerie de Marie de Médicis ", encore que nous sachions parfaitement quelle part y revient à l'intervention de collaborateurs divers "Ainsi qu'Elisabeth Delahaye (La Dame à la licorne, RMN, 2007, p.64) envisage de considérer la genette deux fois citée dans La Dame comme un 'emblème parlant' du 'Maître de La Dame à la licorne', peut-être Jean d'Ypres, le 'Maître d'Anne de Bretagne', je pose l'hypothèse que le chien, bichon maltais, est 'l'emblème parlant' de l'artiste Jean Perréal.
Les chiens des uvres de ce Vulcop ne peuvent-ils pas être de la main d'un apprenti qui trouve ainsi sa " signature " ?
L'hypothèse qu'un ancien élève de " Vulcop ou Coëtivy " ait conservé les carnets de croquis et s'en soit servi par la suite (par exemple certains visages " cruels " de La Chasse) est juste. On peut aussi penser que c'est ce même élève qui a dessiné lui-même certaines parties de certaines uvres de son maître, voire l'uvre entière. Ce chien que l'on retrouve ensuite bien souvent dans les uvres qui ne sont pas de Vulcop sont certainement de son élève le plus " méritant ", Jean Perréal ; ce chien est SA signature : "Perro-réal, moi, chien-royal, le meilleur et le plus fidèle".
Un autre exemple : Herri met de Bles, neveu de Joachim Patinir, peint une chouette dans quelques-uns de ses tableaux, une marque de l'atelier de son oncle qu'il a reprise. Et la chouette devient SA " signature ". Les Italiens l'ont appelé Civetta = la chouette, à cause de cette petite chouette, glissée dans la plupart de ses tableaux, un peu comme une signature... Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que tous les tableaux où l'on retrouve une chouette sont de Bles !Un peu d'Histoire des noms que nous portons A Rome, parmi les trois noms de tout citoyen, le nomen et le cognomen dérivent souvent du nom d'un animal porteur d'une caractéristique que l'on s'attribue. Usage développé sur les territoires celtiques et germaniques, perpétué en France pour la formation des prénoms qui sont les noms d'alors. Puis la constitution des noms de famille dès le 12ème siècle et leur obligation pour l'état civil au 16ème siècle remet l'animal à l'honneur, en compétition avec les métiers, les lieux d'origine, les qualités et défauts de chacun.
Ainsi, de l'Antiquité au milieu du Moyen Âge, le mot chien est-il l'injure la plus récurrente et la plus infamante. L'introduction du chien comme animal " noble ", dans les cours royales et princières, de chasse (le lévrier) et de compagnie (le bichon maltais) à la fin du Moyen Âge, rehausse son aura.
« Une seule des races canines naines ne semble pas avoir détenu une quelconque utilité à la chasse : il s’agit du bichon, qu’on appelle au XVIIe siècle « chien de Lyon ». Cette variété, qui connaît un grand succès à la cour des Valois, doit son nom au fait qu’elle est élevée par la communauté italienne de cette ville. »
« Les chiens de Malte ou de Lyon qu’on a surnommés bichons. »
Joan Pieragnoli, La cour de France et ses animaux, XVIe – XVIIe siècles, Puf, 2016.
Et pourquoi le singe du Goût, de L'Odorat et de La Tente (Le Toucher initial) ne serait pas, lui aussi, un 'emblème parlant' de l'artiste que les théoriciens italiens de la Renaissance nommaient, après le poète, 'le singe de la nature' dans le sens d'imitateur ? Ars simia naturae. Les singes ne sont-ils pas censés avoir inventé l'écriture et les chiffres, et être à l'origine de l'art selon les Mayas ? Toth, le dieu-babouin de la sagesse, de l'écriture et patron des scribes, était vénéré en Egypte.
Ainsi, Dante, au Chant XXIX, vers 136/139 de L'Enfer, évoque le 'singe' imitateur de Nature sous les traits de son ami Capocchio qu'il retrouva lors de sa 'visite' à l'Enfer. (Capochio, de Florence, aurait été compagnon d'études de Dante. Très habile à caricaturer les visages, il était aussi faussaire en métaux ; il fut brûlé vif à Sienne en 1293.)
sì vedrai ch'io son l'ombra di Capocchio,
che falsai li metalli con l'alchìmia;
e te dee ricordar, se ben t'adocchio,com'io fui di natura buona scimia".
Tu verras que je suis l'ombre de Capocchio,
qui faussa les métaux par l'alchimie ;
tu dois te souvenir, si je t'ai reconnu,comme je fus singe de la nature."
http://www.abcgallery.com/B/bellini/bellini65.html
(en bas, à gauche : l'animal sur une stèle dans lequel Robertson voit un singe, Goffen un chat et Tempestini un guépard repris du feuillet 89v° du recueil londonien de Jacopo Bellini)
Ce thème du 'singe - peintre' sera repris dans les siècles suivants.
D'autres raisons peuvent permettre de désigner Jean Perréal comme créateur de La Dame. Cette paternité rendue renforcerait la cohérence que les six tapisseries forment, tant sur le plan historique qu'artistique.La Dame actuelle a une superficie de plus de 75 mètres carrés et son tissage par un ouvrier représente un travail d'au moins 75 mois. Concevoir La Dame demande une somme très importante de recherches, de travail, des déplacements nombreux auprès du commanditaire pour lui présenter les maquettes et sur le lieu de tissage. Huit tapisseries, c'est autant de tableaux de très grand format, c'est une grande part dans l'uvre entière d'un artiste. Or, Jean Perréal était le peintre le plus en vogue de son époque mais on ne connaît de lui que très peu d'uvres. Il est impossible qu'un homme aussi célèbre en son temps n'ait pas laissé des traces d'une uvre artistique.
1- Le peintre doit être encore en vie en 1515 pour dessiner les cartons après le départ de Mary. Il serait bon qu'il le fût aussi en 1525, date de la bataille de Pavie pour dessiner le carton du Toucher. Mais un autre peintre a pu reprendre les personnages et le style des autres tapisseries. La première date exclut Jean Prévost certainement mort en 1457, Pierre de Paix dit d'Aubenas disparu vers 1503, Jean Hay dont on est sans nouvelle après 1504, Wouter de Crane (le Maître de Saint-Gilles) disparu entre 1508 et 1511.
Jean Perréal est né vers 1455-1460 et mort en 1530, à l'âge de soixante-dix ans environ. Les premières maquettes de La Dame à la Licorne ont été commencées treize ou quinze années avant sa mort, laps de temps grandement suffisant pour mener à bien cette entreprise, même si certaines de ces tapisseries aient pu encore se trouver sur les métiers à tisser après sa mort. Un homme jeune ou dans la force de l'âge n'aurait peut-être pas couru le risque de gâcher son avenir en participant à une entreprise quelque peu subversive et eût été moins digne de la confiance d'Antoine.2- Il faut que l'artiste ait rencontré tous les protagonistes. Même si sur cette tenture on ne peut parler à proprement de portraits pour la représentation de Mary et de Claude, les dessins qui en ont été faits avant le tissage ont exigé pour le peintre une bonne connaissance de ces deux femmes. Jean Perréal connaissait bien Mary Tudor, Claude de France et tous les personnages qui apparaissent sous les traits des lions et de la lionne. Il avait été envoyé en Angleterre pour faire le portrait de Mary afin que Louis XII connût sa future épouse, et pour vérifier son trousseau dont les deux-tiers sont dits " à la mode de France ". A cette époque, les peintres procèdent parfois à la confection des vêtements et à l'occasion en vendent, ainsi que les sculpteurs.
Il était retourné en Angleterre peindre le portrait d'Henry VIII et celui-ci voulait se l'attacher comme il fit plus tard pour le peintre Holbein. C'est aussi Jean Perréal qui organisa toutes les fêtes du mariage de Mary et de Louis XII. Les fleurs de la garance ont leurs tiges non coupées mais arrachées, dédoublées à la main en séparant les tiges les unes des autres.3- L'artiste qui a réalisé les maquettes des tapisseries de la Dame à la Licorne, même dirigé par Antoine dans le choix des sujets, en connaissait parfaitement la signification. Autrement, la conception de La Dame eût été impossible. Ce devait être un homme discret, de confiance et très lié avec Antoine. Une parfaite connivence devait exister entre eux : Antoine Le Viste voulait dissimuler de lourds et dangereux secrets dans des tapisseries qu'il pouvait difficilement soustraire à la vue de ses proches ou d'un visiteur et sur lesquelles on pouvait s'interroger. De plus, tous deux avaient dû éprouver quelques ressentiments personnels à l'encontre de la nouvelle branche régnante.
François 1er, dès le début de son règne, voulut rassembler des peintures italiennes (des uvres de Titien, Raphaël, Michel-Ange) et attirer à sa Cour des artistes italiens (Léonard de Vinci de 1516 à 1519, Andrea del Sarto de 1518 à 1519, Le Rosso et Le Primatice plus tard). Nos anciens artistes français se sentent délaissés. Jean Perréal continuait certes à percevoir une pension de valet de chambre, mais n'avait plus aucune commande. Quelle humiliation pour un peintre que l'on s'arrachait peu de temps encore auparavant !
Jean Perréal avait à regretter les commandes et les gages d'Anne de Bretagne. Le comportement euphorique de Louise de Savoie et de son fils à la mort d'Anne de Bretagne qui n'apparurent à Blois que plusieurs jours après le décès, en scandalisa plus d'un, et très certainement Perréal qui fut l'un des maîtres d'uvre de ses funérailles.La rancur de Perréal peut être née également de la dévaluation de sa charge. Au début du règne de Louis XII, Bourdichon et Perréal sont " sommeliers de chambre " du roi, à 240 livres par an, dans une catégorie de personnels qui comporte des nobles. En 1516, Bourdichon, Perréal et Jean Clouet reçoivent du roi une pension de 180 livres. En 1518, cette pension passe à 240 livres pour Bourdichon et Perréal seuls, Guéty passe à 200 livres, Belin descend à 120 livres, Jean Clouet garde ses 180 livres pour ne passer à 240 livres qu'en 1523. Le nombre d'artistes pensionnés va diminuant : 5 en 1516 (Belin, Bourdichon, Clouet, Guéty, Perréal), 2 en 1528 (Clouet, Perréal), Jean Clouet seul de 1533 à 1536, puis François Clouet seul jusqu'en 1545.
Pour connaître les noms, qualités et gages des artistes officiels :
http://www.portrait-renaissance.fr/Artistes/charges_remunerations.html
Nicolas Belin (né à Modène vers 1490 - mort à Londres en 1569) : peintre, fresquiste, miniaturiste, stucateur, sculpteur italien. Il se forma à Modène auprès de Niccolò dell'Abate. Après un premier séjour en France à la cour de François Ier comme 'valet de garde-robe' (1516-1522), il retourna sans doute en Italie, à Mantoue, pour travailler comme collaborateur de Primatice dans l'équipe de Giulio Romano au Palazzo Te. De retour en France, il travailla à Fontainebleau, encore comme collaborateur de Primatice (1533). Poursuivi pour une affaire de fraude (1537), il se réfugia en Angleterre où il travailla au service des rois Henri VIII, Edouard VI, Mary Tudor et Elisabeth Ire.
http://www.portrait-renaissance.fr/Artistes/niccolo_da_modena.html
Bartolomé Guety - Bartolomeo di ZANOBI di BENEDETTO GHETTI (Barthélemy GUETTY)
Originaire de Florence où il est mort en 1536, peintre décorateur, Ghetti fut, selon Giorgio Vasari, l'élève de Ridolfo Ghirlandaio. Comme Perréal, Bourdichon et Clouet, Ghetti occupait la charge de peintre et valet de garde-robe ordinaire du roi et percevait à ce titre 200 livres tournois par an (180 l. t. en 1516). En 1519, il fut le seul à conserver cet office, alors que les autres artistes passèrent dans la catégorie des valets de garde-robe extraordinaires. Son nom disparut des états des officiers royaux dès 1524, mais Ghetti continua de percevoir régulièrement ses gages de 200 l. t. pour " entretenement au service dudit seigneur " sous forme de " don et bienfaict " jusqu'en 1532. Sa présence en France est attestée jusqu'en 1533.
http://www.portrait-renaissance.fr/Artistes/bartolomeo_ghetti.html
Sous Charles VIII, les intimes, appelés " valets de chambre ", dormaient à tour de rôle dans la chambre du roi. En 1515, François 1er fera glisser ses intimes, aristocrates, de la catégorie " valets de chambre ", titre peu digne pour eux, à celle de " gentilshommes de la chambre " et les peintres à celle de " valets de garde-robe ", les " valets de chambre " étant désormais des administrateurs d'origine plébéienne dont le nombre va sans cesse croître.
4- Notre peintre est un voyageur, il a visité l'Italie. Les orangers et les pins maritimes, mêlés aux arbres de chez nous en bouquets isolés et distincts, viennent de la peinture italienne. Les vêtements des Dames ont un caractère italianisant : Jean Perréal a accompagné en Italie les armées de Charles VIII et de Louis XII en 1494 (chevauchant une "hacquenée grise" harnachée de "cuir noir et fer noirci"), 1499, 1502. Il est des "Voyages" de Gênes en 1506 (Pierre Pradel écrit qu'il n'en fut pas puisque le roi réclame un portrait de sa main!) et de Venise en 1509. Il y a choisi les marbres du monument funéraire de François II de Bretagne sculpté par Michel Colombe. Il y rencontra Léonard de Vinci qui a noté cette rencontre, vers 1494, dans un carnet (Codex Atlanticus, fol. 247 r. a. : "piglia da Gian di Paris il modo di colorire a secco e il modo del sale bianco e del fare le carte impastate."Il peint des scènes de bataille pendant les campagnes italiennes de Louis XII et autres sujets pour satisfaire " par grant industrie la curiosité de son office et à la récréation des yeulx de la très chrestienne majesté. " (Jean Lemaire de Belges, 1509. D'après les Chroniques de Louis XII de Jean d'Auton, en 1501 à Milan, Perréal " avoit portraicté la figure [d'ung enfent monstrueulx] apres le vif " pour satisfaire la curiosité du roi. Léonard de Vinci dessina aussi cet enfant.
Marcel Brion (Léonard de Vinci, Albin Michel, 1995)
" Parmi les artistes qui accompagnaient le maréchal de Chaumont [Maréchal de Chaumont, Charles d'Amboise, gouverneur de Milan pour le compte de Louis XII. Il s'attacha Léonard comme peintre de cour.], se trouvait le plus grand peintre français de ce temps, Jean Perréal, que l'on croit pouvoir, maintenant, identifier avec le fameux Maître de Moulins. Les Italiens l'appelaient Jean de Paris, ou encore Giovanni Francese ; c'était une bonne fortune que de rencontrer cet artiste qui s'était distingué par un sens remarquable de la couleur et dont Vinci aura pas mal de choses à apprendre.
Curieux de sciences, aussi, Perréal s'entretenait avec lui d'astronomie et de problèmes techniques. Il lui prêtait le Speculum Mundi, de Vincent de Beauvais, que tout le Moyen Age avait considéré comme la somme des connaissances qu'il était possible d'acquérir à cette époque, et dans lequel Léonard, à son tour, puisera quelques curieuses données, fabuleuses plus que scientifiques, qui trouveront place dans son bestiaire.
Perréal avait inventé, enfin, une manière de peindre a secco, que Vinci jugeait assez avantageuse pour la noter soigneusement dans ses carnets. Un curieux passage du Codex Atlanticus (247. a) mêle dans une confusion singulière le procédé inventé par Perréal pour fabriquer du sel blanc et du papier teinté avec toutes sortes de mémoranda relatifs au poêle des Grazie, à la maquette du théâtre de Vérone, aux ouvrages de Léonard de Crémone et à la fabrication du vernis laqué.
Cette confusion est celle d'un homme qui se prépare à partir en voyage, " achète quelques nappes et serviettes, chapeaux, souliers, quatre paires de chausses, un grand manteau en peau de chamois, et du cuir pour en faire de neufs… vends ce que tu ne peux emporter… " et qui jette sur le papier hâtivement ce qu'il ne veut pas oublier. " (p. 334)
Jean Perréal " que Léonard compte parmi ses amis " lui affirme que François 1er le conserverait sous sa protection, lui qui a appartenu à la " Maison " du roi Louis XII, ce qui lui avait permis de quitter Florence malgré les réclamations des magistrats municipaux après l'échec de la fresque de la Bataille d'Anghiari. (p. 413)
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Besoignez
doncq, mes alumpnes modernes,
J'ay
pinceaux mille & brosses & ostils
Car
l'un d'iceux estoit maistre Roger, Ce Johannes, est-ce Jehan Perréal ? |
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Relation avec la page "Alchimie" de "La Chasse à la Licorne" : cliquer ici
Francisco
José Goya - El Perro (Le Chien)
une des "Peintures noires"
(1820-1823)
de la Quinta del Sordo (la maison du sourd) des
environs de Madrid